DÉCISION DU COMMISSAIRE
(1). MATIERE CONFORME AUX STATUTS A-2(d) : Nouveau texte imprimé ou nouveau dessin.
(2) EVIDENT: Caractéristiques du texte imprimé équivalentes aux réalisations
antérieurs
(1) Un nouvel agencement de texte imprimé est conforme aux statuts s'il
aide a établir quelque restriction fonctionnelle danses une combinaison,
par opposition aux seules connotations intellectuelles, littéraires ou
artistiques.
(2) L'agencement du texte imprimé apparaît dans l'art antérieur et teste
différence se situe essentiellement dans la signification à donner
aux symboles respectifs.
DECISION FINALE: Confirmée en partie
RELATIVEMENT à une requête de révision, par le Commissaire des brevets,
de la décision finale de l'examinateur, en vertu de l'article 46 du Règlement
régissant les brevets
ET
RELATIVEMENT à une demande de brevet sous le numéro de série 040,799
déposée le 22 janvier 1969, pour une invention intitulée:
JEU
Agent du demandeur
MM. Gowling & Henderson
Ottawa (Ontario)
Cette décision porte sur une requête de révision, par le Commissaire
des brevets, de la décision finale de l'examinateur du 3 mai 1971, refusant
d'accepter la demande 040,799.
La demande 040,799 a été déposée le 22 janvier 1969 au nom de Allan
Cowan et porte sur un "Jeu".
Dans l'instruction qui s'est terminée par la décision finale, l'examinateur
a refusé l'unique revendication pour deux motifs. D'abord, la revendication
porte sur une pièce du jeu en forme de simple triangle équilatéral connu par la
technique antérieure; ensuite, la revendication décrit un texte imprimé qui est
non brevetable, et l'usage de la pièce de jeu est également non brevetable.
Dans sa décision finale l'examinateur s'est appuyé sur les antériorités
suivantes:
Brevets americains
1,564,443 le 8 décembre 1925 Rabold
647,814 le 17 avril 1900 Dorr
487,797 le 13 décembre 1892 Thurston
L'examinateur a soutenu que la pièce de jeu en forme de triangel
equilatéral n'est pas brevetable, plus particulièrement en raison des
brevets accordés à Rabold et Dorr. En outre, il a aussi soutenu que le
texte imprimé n'est pas brevetable. Dans cette décision, l'examinateur a
déclaré que:
Les tribunaux britanniques ont toujours considéré les textes imprimés
comme étant non brevetables, et c'est la politique que le Bureau
canadien des brevets a décidé d'adopter. "L'ensemble de chiffres"
que le demandeur présente comme nouveau n'est, de toute évidence,
rien d'autre qu'un texte imprimé, tout comme les symboles de l'unique
pièce de la revendication constituent un texte imprimé.
Comme l'indique la décision du Bureau du 16 mars 1971, la façon dont
le demandeur a disposé les symboles n'est rien d'autre qu'un simple
changement de présentation, comportant certains avantages et certains
désavantages, par exemple lorsqu'il y a plusieurs joueurs autour du
jeu. La disposition des symboles près des coins des pièces triangulaires
est conforme au concept habituel du jeu de domino, qui consiste à
assembler les pièces porteuses de symboles semblables, bout à bout.
La revendication et la demande sont donc rejetées une nouvelle fois
pour les deux motifs, savoir que les modifications apportées au
texte imprimé en vue de faciliter une méthode de jeu n'ajoutent pas de
brevetabilité à un ancien élément de structure, et que les différences
définies ne sont que des différences de présentation qui ne constituent
pas une invention brevetable en vertu des antériorités invoquées.
Dans sa réponse du 3 août 1971, à la suite de la décision finale, le
demandeur dit:
En vertu de la législation britannique, il est établi que les textes
imprimas sont brevetables lorsqu'ils servent à des fins mécaniques.
Voir, à titre d'exemple, la demande 19 de Couper R.P.C. 53, la demande
57 de Fishburn R.P.C. 245, et la demande 59 de Alderton R.P.C. 56 à
59; ces cas sont mentionnés à la page 24 de "Patent for Inventions"
(3d édition) de T.A. Blanco-White. Une fin mécanique acceptée pour
son utilité brevetable est l'agencement de textes imprimés sur des
cartes permettant d'utiliser lesdites cartes ensemble dans un jeu, de
façon synergique. (Demande 1953 70 de Cobianchi R.P.C. 199).
Le demandeur a expliqué en détail tout au long de l'instruction de sa
demande qu'un nouveau résultat est atteint grâce à l'agencement
unique divulgué dans son mémoire détaillé et revendiqué dans sa seule
revendication de portée limitée. Comme l'indique la figure 3 des
dessins du demandeur, un ensemble de chiffres représenté par les
pièces peut être aligné de façon à être du radialement à partir de
point de rencontre des différentes pièces du jeu. De plus, comme
l'indique la figure 5, les chiffres peuvent être alignés de manière
à ce qu'il soit possible de les lire dans le même sens. Chacun de ces
arrangements numériques aurait une signification fonctionnelle au
cours du jeu.Cependant, une telle variance dans les arrangements n'est
possible que si l'on place les chiffres arabes à fine extrémité des
jetons triangulaires et si tous les chiffres de chaque jeton sont alignés
de façon à ce qu'on puisse les lire dans un seul sens.
Le demandeur estime que l'interaction synergique des pièces contenue
dans son invention cadre la definition de l'objet brevetable
mentionnée à la page 24 de la quatrième édition de Canadian Patent Law
and Practice rédige par Fox, et avec la définition reprise dans la
décision du cas Cobianchi.
En outre, le demandeur soutient énergiquement que, étant donné que les
différences qui existent entre l'agencement du demandeur et la
technique antérieure sont précisément les différences qui permettent à
l'arrangement du demandeur d'obtenir un nouveau résultant, impossible à
atteindre avec la technique antérieure, lesdites différences ne peuvent
être attribuées à une question de présentation mais sont plutôt
fonctionnelles dans la technique à laquelle l'invention se rapporte.
Ladite nature fonctionnelle n'apparaît pas aussi utilitaire dans un
domaine comme les jeux que dans le domaine des machines industrielles;
néanmoins, la nature utilitaire et le fonctionnement synergique de
l'arrangement du demandeur sont clairs.
Après étude des motifs de rejet énoncés par l'examinateur, ainsi que
raisonnement du demandeur, je suis convaincu du bien-fondé du rejet pour
des motifs, mais non les deux.
La demande porte sur un "Jeu". La première revendication se lit
comme suit:
Une pièce de jeu composée d'une surface plane en forme de triangle
équilatéral avec des angles très aigus, une face de ladite pièce étant marquée
de trois symboles numériques arabes, un chiffre étant disposé dans
chacun des coins, lesdits symboles étant alignés dans la même direction
de façon à ce qu'il soit possible de les lire d'un même point; chacun
desdits symboles étant placé tout près de l'extrémité d'une des pointes
du triangle, l'ensemble de l'espace de ladite face étant
plusieurs fois plus grande que la somme des espaces où figurent
lesdits symboles pour définir les espaces non marqués le long de
chacun des côtés de ladite pièce entre deux desdits symboles situés
aux deux extrémités opposées dudit côté, lesdits espaces non marqués
étant plusieurs fois plus grands que la somme des espaces où figurent
les deux symboles, par lesquels il est possible d'utiliser plusieurs
pièces pour complètement isoler une variété d'ensembles de forme
géométrique, par la pose des pièces porteuses d'un symbole semblable,
bout à bout, selon les règles du jeu.
La question essentielle est de savoir si l'on peut considérer
l'agencement d'un texte imprimé comme une invention, question sur laquelle
la décision finale repose.
J'estime qu'il est nécessaire d'éclaircir la position de l'examinateur.
Celui-ci a déclaré que les tribunaux britanniques ont toujours considéré les
textes imprimés comme n'étant pas un objet d'invention brevetable.
L'examinateur aurait dû faite référence à ".., de simples textes imprimés..."
En vertu de la législation britannique, il est bien établi qu'un nouveau
texte imprimé ou un nouveau dessin peut constituer un objet d'invention
brevetable, si son utilisation permet de remplir une fonction ou d'atteindre
une fin mécanique. C'est donc dire que si la nouveauté réside uniquement
dans la signification des mots ou dans l'intérêt esthétique du texte imprimé
ou du dessin, l'objet d'invention n'est pas jugé brevetable.
Je suis donc convaincu que si un nouvel agencement de texte imprimé
introduit quelque restriction fonctionnelle dans une combinaison, de façon à
produire un résultat synergique, qui s'avère utile dans la pratique, par
opposition aux seules connotations intellectuelles, littéraires ou artistiques,
ledit agencement peut être considéré comme un objet d'invention brevetable.
L'examinateur a également rejeté la revendication et la demande parce
que les brevets accordés à Rabold et à Dorr présentent des pièces de jeu
dont la structure est identique, y compris les symboles, affirmant que la
modification des symboles n'est qu'une simple modification de présentation
ou de dessin.
Le brevet de Rabold divulgue une pièce triangulaire avec différents
symboles colorés dans chaque coin, plus un symbole numérique dans l'un des
coins. Par ailleurs, le brevet de Dorr présente des pièces triangulaires
avec différents symboles formés de différents nombres de points dans les
coins respectifs. A mon avis, la structure de la pièce de jeu est équivalente
à cette technique antérieure.
Le demandeur a soulevé différents points afin de démontrer que son
invention améliore ladite technique antérieure. En ce qui concerne ces
points, le brevet de Thurston présente des pièces de jeu ayant des symboles
en forme de chiffres placés dans divers endroits, ainsi qu'une pluralité de
pièces sur lesquelles il est possible de lire tous les chiffres dans le
même sens, lorsqu'elles sont assemblées. De plus, dans la divulgation du
brevet de Rabold, on peut lire à la page 2, ligne 20: " .les trois coins
de chaque pièce commune sont colorés ou rendus identifiables de quelque
façon afin d'indiquer différentes activités principales...". On entend
par l'expression de quelque façon des symboles numériques et autres. Ce
brevet fait également allusion aux points de bonification à la page 3,
ligne 7; " .seize pièces, ayant chacune un coin de couleur semblable
peuvent donner 125 points...". Le brevet accordé à Dorr présente une
modification dans les symboles de pièces séparées, permettant de nombreuses
variations.
Je constate que la disposition physique des symboles dans cette demande
est identique à celle qui est divulguée dans le brevet de Rabold: donc la
seule différence fondamentale dans ce cas porte sur la forme des symboles
utilisés, par comparaison à ceux présentés dans les autres antériorités.
Il est intéressant de noter que si la revendication de la demande était
changée de manière à ce que les symboles numériques deviennent des symboles
de couleur, l'objet d'invention de la revendication serait pratiquement identique
à celui du brevet de Rabold.
A lumière de ce qui précède et des discussions antérieures sur la
brevetabilité de l'objet, je suis convaincu qu'aucun nouvel agencement de
texte imprimé n'est divulgué et que toute la différence réside seulement
dans le sens donné aux symboles, sens qui dépend des règles des jeux. Il
est bien établi que les règles de jeu ne peuvent être utilisées pour justifier
une invention.
Je suis convaincu que la disposition particulière est méditoire, mais
je ne crois pas qu'elle mérite d'être qualifiée d'invention ni d'obtenir un
brevet assurant un monopole d'exploitation. Je recommande donc que la décision
de l'examinateur, de rejeter la revendication et la demande pour équivalence
de technique antérieure, soit maintenue. Cependant, je recommande également
que le motif de rejet portant qu'aucun texte imprimé ne constitue un objet
d'invention brevetable, soit retiré.
Le président de la Commission des brevets,
R.E. Thomas
J'approuve la décision de la Commission des brevets et refuse d'accorder
un brevet. Le demandeur dispose de six mois pour interjeter appel de cette
décision, conformément à l'article 44 de la Loi sur les brevets.
Telle est ma décision.
Le commissaire des brevets,
A.M. Laidlaw
Fait à Ottawa (Ontario)
le 13 octobre 1971