DÉCISION DU COMMISSAIRE
ÉVIDENCE: En raison de nombreuses antériorités
Les revendications qui n'indiquent rien de plus qu'un "dispositif magnétique
pour bloquer un élément de rebobinage par force magnétique" décrivent
simplement une fonction normalement accomplie par des dispositifs de blocage
magnétiques qui ont été substitués à des dispositifs de blocage à ressort,
ce sans modifier l'action ou l'effet des éléments.
DÉCISION FINALE: Maintenue
RELATIVEMENT à une demande de révision, par le Commissaire
des brevets, de la décision finale de-l'Examinateur en
vertu de l'article'46 du Règlement sur les brevets.
ET
RELATIVEMENT à la-demande de brevet numéro de série 021,626
déposée le 3 juin 1968 su sujet d'une invention intitulée:
DISPOSITIF MAGNÉTIQUE DE BLOCAGE D'ÉLÉMENT DE
REBOBINAGE-POUR INSTRUMENTS DE MESURE LINÉAIRE
Mandataire du demandeur
MM. R.K. McFadden & Co.,
Ottawa (Ontario)
La présente décision a trait à une demande de révision, par le Commissaire
des brevets, de la décision finale de l'Examinateur de la demande portant
le numéro 021,626, en date du 17 mai 1971. La demande a été déposée au nom
d'André Quenot et a trait à un "dispositif magnétique de blocage d'élément de
rebobinage pour instruments de mesure linéaire".
La Commission d'appel des brevets a entendu l'appel le 15 septembre
1971. M. R.K. McFadden représentait le demandeur.
Lors de l'instruction, qui s'est terminée par la décision finale,
l'Examinateur a refusé d'admettre les revendications 1, 2, 3, 4 et 6 pour
motif d'évidence en raison de la technique antérieure. La technique antérieure
invoquée comprend ce qui suit:
Antériorités de référence
Brevets canadiens
413,313 22 juin 1943 C1. 248-15 (Dessins - 1 feuille)
Smith
688,746 16 juin 1964 C1. 248-15 (Dessins - 1 feuille)
Dunkelberger et autres
707,857 13 avril 1965 C1. 248-15 (Dessins - 1 feuille)
Baerman et autres
Brevet américain
1,340,712 18 mai 1920
Dans sa décision finale l'Examinateur déclarait:
Les revendications 1 et 2 modifiées sont essentiellement
pareilles à ce qu'elles étaient avant la modification puisque
cette dernière ne fait que substituer une déclaration
équivalente à celle qui a été supprimée. Comme nous allons
le voir plus loin, les revendications 3, 4 et 6 ont été,
après reconsidération, jugées également inadmissibles, par
défaut d'établir matière brevetable par rapport à
l'antériorité citée. Les revendications 1, 2, 3, 4 et 6,
telles qu'elles se présentent actuellement, sont rejetées
parce qu'elles ne décrivent rien de plus que la substitution
évidente du dispositif de blocage à ressort d'une combinaison
généralement ancienne par un dispositif magnétique d'usage
courant. Bien que seules les revendications de portée générale
1 et 2 aient été rejetées par la dernière lettre officielle, la
différence apportée par les revendications 3, 4 et 6 a été jugée
si infine qu'un refus semble motivé. Par conséquent, considérant
la requête d'une révision, par la Commission d'appel des brevets,
instituée par le demandeur, il serait dans l'intérêt de ce
dernier que l'admissibilité de ces 3 revendications complémentaires
soit aussi établie.
Les déclarations concernant le choix d'un dispositif de blocage
magnétique,plutôt que d'un dispositif à ressort, tel celui
propre au brevet Hare, choix sur lequel le demandeur fonde
son invention et auquel il ne fait que référer comme on peut
le constater, par exemple, à la ligne 7 de la revendication
l"dispositif de blocage", et également aux lignes 2 et 6
respectivement de la revendication 6, "un aimant constituant
une partie du bras dudit élément de rebobinage", et "la bride
latérale ... ayant une partie composée de matériau ferromagnétique",
ne font rien du plus que réitérer les fonctions et l'emploi bien
connus des aimants comme agents de blocage pour des matières
ferromagnétiques, comme le prouvent les antériorités de référence.
Rien d'autre que la simple substitution, dans une combinaison connue
du dispositif à ressort connu, par un dispositif magnétique,
dépourvue de tout signe ingénieux d'adaptation du moyen choisi,
n'a donc été révélé.
Le demandeur, dans sa réponse du 17 août 1971 à la décision finale,
discute longuement de la technique antérieure. Il conclut enfin que, dans
les circonstances, l'emploi d'un aimant comme dispositif de blocage pour
un ruban à mesurer à rappel automatique n'est pas résultat évident. Dans
cette réponse, il déclare en outre:
L'utilisation d'un dispositif de blocage à ressort,
tel celui décrit dans le brevet Hare, est mentionnée
à la page 2 du mémoire descriptif du demandeur, et les
désavantages d'un pareil système y sont également énoncés.
Le mémoire descriptif indique clairement qu'un dispositif
à ressort mécanique présente certains désavantages
particuliers, en ce qu'il est sujet à des défectuosités
et à des arrêts de fonctionnement, et que sa fabrication
est à la fois délicate et coûteuse.
Jusqu'avant la présente invention, les désavantages inhérents
aux simples dispositifs mécaniques se retrouvaient dans
tous les dispositifs connus de bobinage ou d'instruments de
mesure linéaire (à enroulement) et jusqu'à ce jour également
aucune solution satisfaisante n'avait été trouvée. La
Commission doit remarquer que le brevet de Hare a été délivré
en 1920, et que pendant ces cinquante dernières années,
personne n'a pensé résoudre le problème de longue date simple-
ment en remplaçant le dispositif à ressort mécanique par un
dispositif magnétique. La simplicité d'une invention n'en
exclut pas la brevetabilité et, dans bien des cas,les
inventions les plus simples sont celles qui représentent un
progrès technique des plus importants, et sont souvent les
plus inattendues.
Bien que l'argument soit ancien, i1 est opportun de répéter que
s'il est vrai que les bobinés et les rubans à mesurer (à
enroulement) existent depuis longtemps déjà (à preuve: -le
brevet de Hare délivré en 1920), et que les propriétés d'un
matériau magnétique comme agent de blocage sont également
connues depuis des centaines d'années, et que là solution est
si' évidente, il est permis de se demander comment il se fait que
personne n'y ait songé avant aujourd'hui. La seule réponse
possible consiste donc à conclure que la solution n'était pas
évidente. Il est clair que si le mécanisme inventé par le
demandeur avait été évident, il aurait été utilisé par les
hommes du métier bien avant la présente demande, et le fait
que les hommes du métier n'ont pas su en reconnaître l'importance
est la preuve indéniable que le système n'est pas évident et
constitue une invention brevetable originale et utile. C'est
un fait incontestable. Les aimants, comme les instruments
de mesure linéaire du type à enroulement, sont connus depuis
nombre d'années, et le fait que jamais personne jusqu'ici n'ait
songé à utiliser des aimants dans le mécanisme de ces instruments
est une preuve manifeste qu'il y a eu ingéniosité inventive, et
c'est pourquoi nous considérons l'allégation d'évidence de
l'Examinateur canadien complètement fausse.
On peut considérer un succès commercial comme un indice
de brevetabilité, et si ce succès a une importance considérable
i1 présuppose dès lors brevetabilité. Bien que le succès
commercial d'un article nouveau ne soit pas signe infaillible
de matière inventive il donne tout lieu de croire ou'il
découle d'une certaine ingéniosité surtout lorsqu'il v a
depuis longtemps une forte demande pour certain article,
et qu'une fois créé ledit article remporte un succès considérable,
on peut donc croire que c'est grâce à l'exercice de ses
facultés créatrices que l'inventeur a enfin réussi à combler
ce besoin. Comme l'exprime si bien J. Tomlin dans l'affaire
Samuel Parkes & Co. Ltd. c. Cocker Brothers Ltd., (DCB 46,
pages 241 à 248): "Il est vrai que lorsqu'on trouve, comme
c'est ici le cas, une solution longtemps attendue à un certain
problème, et que ledit positif en cause est effectivement
nouveau et supérieur à tout ce qui avait existé jusque là~, et
qu'il est utilisé largement et de préférence à tout autre
dispositif, nous croyons qu'il est impossible de nier la
présence de l'étincelle créatrice indispensable à la justification
d'un brevet".
Après avoir revisé les motifs du refus énoncés par l'Examinateur, -ainsi
que les arguments tant oraux qu'écrits avancés par le demandeur, nous sommes
convaincus du bien-fondé du refus.
Lors de l'audition, l'agent des brevets a révisé la position du demandeur
et a insisté qu'à son avis le dispositif revendiqué était effectivement une
combinaison nouvelle et que, par conséquent, il justifiait la délivrance d'un
brevet.
La question à trancher a donc pour but d'établir si l'objet des
revendications 1, 2, 3, 4 et 6 est évident par rapport à la technique
antérieure.
La demande porte sur un instrument de mesuré linéaire muni d'un
dispositif de blocage magnétique pour une manivelle de rebobinage.. La
revendication 1 se lit comme suit:
Un appareil de mesure linéaire modifié, comportant un tambour
d'enroulement monté sur un axe; un ruban de mesure linéaire
déroulable enroulé sur ledit tambour;des dispositifs pour monter
ledit tambour axialement; un élément de rebobinage relié audit
tambour; ledit élément de rebobinage ayant une position qui permet
la manoeuvre dudit tambour, ainsi qu'une position de repos, un
dispositif de blocage magnétique pour retenir, par force magnétique
ledit élément de rebobinage dans l'une ou l'autre desdites positions.
L'antériorité de référence, soit le brevet de Hare, divulgue
une bobine d'enroulement comportant un tambour, des dispositifs pour
assurer la rotation du tambour, un élément de rebobinage relié au tambour,
ledit élément ayant une position de manoeuvre et une position de repos.
Les brevets de Smith, Dunkelberger et Baermann démontrent que l'utilisation
d'aimants comme dispositifs de blocage, de retenue ou de fixation est un
moyen connu et évident.
Pour ce qui est de l'argument du demandeur qui veut que l'utilisation
d'un aimant dans un instrument de mesure linéaire est chose inconnue, la
combinaison (telle qu'elle est décrite dans les revendications 1, 2, 3, 4 et
6) est inventive. La combinaison est peut-être nouvelle, cependant i1 faut
qu'elle présente également un certain degré d'ingéniosité.
Nous constatons que les revendications 1, 2 et 3 ne diffèrent de
l'antériorité de référence invoquée que par une seule déclaration (voir la
ligne 7 de la revendication 1) qui n'est rien de plus qu'un exposé de la
fonction bien connue des aimants comme moyens de blocage, ce qui est bien
démontré par les brevets invoqués de Smith, Dunkelberger et autres, Baermann et
autres. Cela, à notre avis, n'est clairement qu'une simple substitution
évidente, et tire profit du résultat attendu de l'usage fait des aimants.
C'est pourquoi, ni l'action ni l'effet d'aucun des éléments compris dans la
combinaison, n'est modifié d'une façon matérielle quelconque par l'utilisation
d'un dispositif magnétique, plutôt que d'un dispositif à ressort. Les
revendications 4 et 6 différent des revendications 1, 2 et 3 que par le fait
que l'aimant de blocage est disposé dans des positions jugées évidentes.
Le demandeur affirme que des revendications similaires aux revendications
rejetées ont été admises aux Etats-Unis, en l'Allemagne de l'Ouest, et bien
que nous soyons d'accord que la chose est intéressante, elle ne peut être
jugée déterminante. Le demandeur souligne également que le dispositif a très
bien réussi du point de vue commercial. Un succès commercial peut être un
facteur servant à établir l'ingéniosité dans certains ces ambigus, mais en
toutes circonstances ce facteur doit être considéré avec prudence parce
qu'i'1 peut vraisemblablement découler de conséquences ètrangères à l'invention.
Cependant, en vertu des revendications admissibles, l'existence d'invention n'a
pas été niée et, par conséquent, le succès commercial n'est pas en litige ici.
Ceci s'applique également à la question de durabilité et d'économie du produit,
mentionnées par le demandeur, pour tâcher de conférer un caractère brevetable
à son invention.
Nous soutenons que l'objet des revendications 1, 2, 3, 4 et 6 est
dépourvu d'originalité par rapport à la technique antérieure.
Nous recommandons que le refus des revendications 1, 2, 3, 4 et 6
pas l'Examinateur, soit maintenu.
Le Président de la
Commission d'appel des brevets
R.E. Thomas
Nous souscrivons aux constatations de la Commission d'appel
des brevets et refusons la délivrance d'un brevet aux revendications
1, 2, 3, 4 et 6. Les revendications 5, 7 et 8 seront jugées admissibles
lorsqu'elles auront été rédigées séparéement. Le demandeur dispose d'une
période de six mois au cours de laquelle il pourra interjeter appel de la
présente décision aux termes de l'article 44 de la Loi sur les brevets.
Telle est ma décision.
Le Commissaire des brevets
A.M. Laidlaw
Fait à Ottawa (Ontario)
le 13 octobre 1971