DÉCISION DU COMMISSAIRE
REDELIVRANCE - s. 50: La non conformité de la revendication à l'esprit de cet
article n'est pas prouvée.
Le Commissaire n'est pas convaincu que le demandeur n'a pas respecté l'esprit
de l'article 50. Il ne peut être question de "reprise de l'objet d'invention"
étant donné qu'aucune revendication n'a été annulée dans la demande de brevet
initiale.
DÉCISION FINALE: Motifs contestés; décision suspendue pour complément
d'instruction.
RELATIVEMENT à une requête de révision, par le
Commissaire des brevets, de la décision finale de
l'examinateur en vertu de l'article 46 de la Loi
sur les brevets.
ET
RELATIVEMENT à une demande de brevet sous le numéro
de série 009,562 déposée le 10 janvier 1968 pour une
invention intitulée:
DISPOSITIF DE REDRESSEMENT DE CHASSIS DE
VEHICULES AUTOMOBILES
Agent du demandeur
MM. Smart & Biggar
Ottawa (Ontario)
Cette décision porte sur une requête de révision, par le Commissaire des
brevets, de la décision finale de l'examinateur du 16 avril 1971 concernant la
demande 009,562. Cette demande a été déposée au nom de Joseph J. Latuff et al
et porte sur un "Dispositif de redressement de châssis de véhicules automobiles".
La pétition se lit comme suit:
Que les motifs pour lesquels le brevet est jugé défectueux ou
inopérant sont les suivants: les revendications dudit brevet sont
trop restreintes, trop précises et trop limitées en termes de
protection, parce que 1e breveté a revendiqué moins qu'il n'avait
droit de revendiquer dans le brevet et que lesdits défauts portent
plus particulièrement sur ce qui suit:
(a) restrictions inutiles dans les revendications, par exemple:
Toutes les revendications portent essentiellement sur un dispositif
composé de "longerons intérieurs et extérieurs en forme de U jouant
le rôle de guides ", et "de moyens permettant de fixer rigidement
lesdits longerons . . tout en ménageant entre eux un passage en U
ouvert vers le haut,"; et
(b) Omission d'instruction des revendications pour le nouveau
concept inventif du breveté; c'est-à-dire que les revendications
du brevet sont beaucoup trop précises pour les détails de
structure qui peuvent être rapidement et facilement modifiés;
et qui en fait sont limités aux détails de structure qui
n'existent pas déjà dans la structure commerciale actuelle,
conformément à l'invention du breveté.
Que l'erreur a été commise par inadvertance, accident ou méprise, sans
intention de frauder ou de tromper;
Parce que la demande initiale du breveté a été préparée et déposée
avec la conviction que les revendications y présentées trairaient de
l'objet d'invention divulgué et que lis revendications du brevet
initial avaient été poursuivies avec la conviction que les reven-
dications finalement approuvées traitaient de l'invention du bre-
veté; et, en fait, le breveté a vendu une licence exclusive en
vertu dudit brevet à la société Marquette Corporation., de l'Etat
du Delaware aux Etats-Unis, dont le siège social est situé à
Minneapolis (Minnesota) aux Etats-Unis, après avoir conclu mutuel-
lement que les revendications du brevet couvraient effectivement
l'invention du breveté; mais depuis la délivrance du brevet
susmentionné, un brevet américain, dont copie est annexée et qui
est la contrepartie du premier a été délivré en omettant les
restrictions inutiles, a amené les avocats du breveté à réviser
les revendications du brevet susmentionné et à en découvrir les
défauts.
Comme le brevet cité a été dlivré avant sa contrepartie américaine et
que les revendications dudit brevet ont été approuvées dans la première
décision du Bureau des brevets, les défauts n'ont pas été décelés avant
que ledit brevet et sa contrepartie américaine soient comparés.
L'existence des faits nouveaux, à la lumière desquels les nouvelles
revendications ont été formulées, a été connue par votre pétition-
naire vers le 30 octobre 1966 de la façon suivante:
Vers la date de signature du contrat de licence entre le breveté et
la Marquette Corporation, les avocats du breveté et ceux de la
Marquette Corporation ont comparé les revendications énoncées dans
le brevet susmentionné et dans sa contrepartie américaine;
c'est alors qu'ils ont découvert les vices de
forme dudit brevet. Avant ledit contrat de
licence, l'occasion d'étudier les revendications
énoncées dans ledit brevet ne s'était pas
présentée, étant donné que le Bureau des brevets
avait accepté la demande de prime abord et que
le breveté s'est par la suite préoccupé de l'ins-
truction de la demande en contrepartie aux
États-Unis. Dès qu'il a découvert les vices de
forme du brevet et qu'il en a eu les moyens
financiers et le temps, le breveté demanda à ses
avocats de recueillir des renseignements et de
préparer une pétition pour la redélivrance dudit
brevet; lesdits avocats ont donc rédigé la
présente pétition en temps et lieu, dans 1e
cours normal de leur travail.
Dans le cadre de l'instruction qui s'est terminée par la décision
finale, l'examinateur a refusé la demande de redélivrance parce que le
demandeur n'avait pas l'intention de revendiquer dans le brevet initial ce
qu'il revendique dans la redélivrance. L'examinateur a déclaré dans cette
décision que:
Le rejet de la demande est maintenu parce que
le demandeur n'avait pas l'intention de reven-
diquer dans le brevet initial ce qu'il revendique
dans la demande de redélivrance. Si le demandeur
avait eu l'intention de revendiquer l'invention
d'une nouvelle façon avant que le Bureau des
brevets des États-Unis prenne sa décision et
que le Bureau des brevets canadien envoie la
notification d'acceptation par 1a poste, il aurait
pu déposer une modification volontaire. Le fait
que le demandeur affirme avoir modifié les reven-
dications de la demande américaine après le 24
janvier 1966 ne prouve aucunement qu'il avait
l'intention de revendiquer l'invention au Canada
dans sa nouvelle forme le 19 novembre 1964 ou
avant, lorsqu'il a déposé la demande canadienne
ou à tout autre moment avant l'acceptation.
Dans sa réponse du 16 juillet 1971, le demandeur a déclaré:
Les déclarations sous serment faites par chacun
des inventeurs nommés dans la demande susmentionnée
sont ci-inclus avec l'affidavit de l'avocat qui a
rédigé la demande pour le brevet initial, et ces
documents démontent à suffisance que les demandeurs
avaient l'intention de revendiquer l'invention dans
la demande initiais de la même façon qu'elle est
revendiquée dans la présente demande et que l'inven-
tion n'a pas été revendiquée dans ces termes parce
que l'avocat qui a préparé la demande initiale n'a
pas parfaitement compris l'invention et que la
terminologie des brevets était étrangère aux inven-
teurs. Donc, le cas présent s'apparente étroitement
à la cause Curl-Master, et la demande de redélivrance
semble parfaitement acceptable. En conséquence,
l'examinateur est respectueusement prié de réformer
sa décision finale et de recommander l'acceptation
sinon la présente constitue une requête de révision
par le Commissaire.
Après avoir étudié les motifs de rejet énoncés par l'examinateur, ainsi
que le plaidoyer du demandeur, je ne suis pas convaincu du bien-fondé du rejet
ou du moins je crois que l'état actuel de l'instruction ne permet pas de prendre
une décision pertinente.
Le demandeur a fait allusion au jugement de la Cour suprême en cause
Curl-Master c. Atlas Brush 1967 52 C.P,R. p. 51 et a tenté d'établir une
certaine analogie en vue de faire accepter des revendications plus larges dans
la redélivrance. Dans la cause Curl-Master, le brevet a été jugé défectueux en
raison d'une description insuffisante due à une méprise: l'agent de brevets n'ayant
pas compris ni décrit parfaitement l'invention pour laquelle il avait été chargé
d'obtenir un brevet. J'estime que nous ne nous trouvons pas en face d'une situation
similaire dans le cas qui nous intéresse; une défense fondée sur la cause Curl-
Master est donc non pertinente.
Nonobstant ce qui précède, et le manque de force probante de la pétition,
la déclaration sous serment faite par le demandeur le 19 mai 1971 ne peut être
négligée. Elle se lit en partie comme suit:
Que vers le 21 octobre 1963, j'ai donné l'ordre de
préparer une demande de brevet pour un dispositif de
redressement de châssis de véhicules automobiles,
brevet par lequel j'avais fermement l'intention de
faire couvrir plusieurs modifications apportées au
dispositif de redressement de châssis de véhicules
automobiles, que mon co-inventeur, Joseph J. Latuff,
et moi-même avions expérimentées avant le 19 novembre
1964;
Que la terminologie des brevets m'est tout à fait
étrangère et que je croyais fermement que toutes
les modifications apportées au dispositif de redres-
sement de châssis de véhicules automobiles étaient
incluses dans 1a phraséologie des revendications de
la demande de brevet canadien, déposée le 19 novembre
1964, qui a donné lieu à l'octroi du brevet no
731,981.
Je constate à la lumière de ce qui précède, que certaines modifications,
que le demandeur affirme avoir eu l'intention de revendiquer, ont été entreprises
avant le dépôt de la demande initiale de brevet. Le demandeur n'a pas précisé
la nature des modifications. De plus, la première revendication ne donne aucune
évidence de ceci, cette revendication n'étant pas claire et distincte. En outre,
ladite revendication n'est pas appuyée par la divulgation. par exemple, la
partie (a) dit: "... longerons jouant le rôle de guides, ayant chacun des montants
opposés suffisamment espacés pour recevoir un véhicule". L'objet de l'invention
portant sur la partie soulignée n'est pas appuyée par la divulgation de cette
demande ou de la demande initiale.
Il est notifié su demandeur, en ce qui concerne une demande de
redélivrance, qu'il existe un équilibre d'intérêt entre le droit du public à
l'égard d'un brevet abandonné et la perte éventuelle des précieux droits de
propriété du breveté par suite d'une revendication erronée. Dans la recherche
de cet équilibre le breveté est privilégié en étant autorisé à revenir sur son
abandon apparent à certaines conditions soigneusement définies. L'une de ces
conditions, qui pourrait être en cause ici, est que la redélivrance soit pour
la même invention, et qu'elle satisfasse également à otutes les autres exigences
de l'article 50 de la Loi sur les brevets. J'estime que la reprise de l'objet
d'invention en raison de revendications annulées ne pose aucun problème, parce
qu'aucune revendication n'a été annulée dans la demande de brevet initiale. Il
est également possible, dans certains cas, de supprimer une restriction inutile
dans une revendication qui ne fait pas vraiment partie de l'invention réelle.
Je ne suis pas convaincu, au-delà de tout doute raisonnable que le
demandeur n'a pas respecté l'esprit de l'article 50 de la Loi sur les brevets;
cependant, il est nécessaire dans les circonstances de poursuivre l'instruction;
je recommande donc que la décision de l'examinateur, de refuser la demande pour
absence d'intention de revendiquer, soit réformée pour les raisons énoncées.
Le président de la Commission
d'appel des brevets,
R.E. Thomas
J'approuve les conclusions de la Commission d'appel des brevets; je
suspends donc la décision finale et renvoie la demande à l'examinateur pour
complément d'instruction.
Telle est ma décision,
Le Commissaire des brevets
A.M. Laidlaw
Fait à Ottawa (Ontario)
le 13 octobre 1971