DECISION DU COMMISSAIRE
DIVISION - Règlement 60: critère d'infraction au texte.
Les revendications de différentes représentations, au sujet desquelles
l'antériorité a montré des équivalents courants, ne sont pas conformes
aux dispositions du Règlement 60, puisque la pratique de l'invention,
selon le libellé des revendications de l'une ou l'autre représentation,
n'entrerait pas en contradiction avec le libellé des revendications de
l'autre représentation de l'invention.
DECISION FINALE: confirmée
RELATIVEMENT à une demande de révision, par le
Commissaire des brevets, de la décision finale de
l'examinateur en vertu de l'article 46 du Règlement
des brevets.
ET
RELATIVEMENT à une demande de brevet no de série
031,176, déposée le 28 septembre 1968, au sujet
d'une invention intitulée:
CIRCUIT COMPENSATEUR A TEMPORTSATION ACTIVE
Mandataire du requérant
MM. Curphey et Erickson
Montréal (Québec)
La présente décision a trait à une demande de révision, par le
Commissaire des brevets, de la décision finale de l'examinateur, datée
du 23 juillet 1971, au sujet de la demande 031,176. Cette dernière a
été déposée au nom de Frederick T. Halsey, et elle a trait à un "Circuit
compensateur à temporisation active".
La Commission d'appel des brevets a tenu une audience le 23 septembre
1971 à laquelle ont assisté les représentants du requérant, MM. A.A. Deluca
et J.E. Mowle.
Lors de l'instruction, qui s'est terminée par la décision finale,
l'examinateur a refusé les revendications, parce qu'elles n'étaient pas
conformes aux dispositions de l'article 38 de la Loi sur les brevets.
Dans sa décision, l'examinateur a déclaré ce qui suit:
Comme l'indique la décision du Bureau, datée du ler mars
1971, la revendication 8 ne constitue pas, à proprement
parler, une revendication de type Markush, et s'applique à
deux réalisations dissociées. La revendication 8 ne répond pas
aux exigences de l'articles 38 de la Loi sur les brevets. La
revendication 7 est conforme à la revendication 8 et est également
contraire aux dispositions de l'article 38. Les revendications
7 et 8 sont refusées.
Les autres revendications ne sont pas conformes au critère
imposé par l'article 60 du règlement sur les brevets, et
elles sont censées viser plus d'une invention. Le règlement
60 est clair lorsqu'il exige une revendication de plus grande
portée que toutes les autres revendications de la demande comme
critère de conformité à l'article 38. Contrairement à ce que
le requérant donne à entendre, l'examinateur n'a pas simplement
choisi des mots et des expressions particulières dans les revendi-
cations 1 et 4 et conclu par la suite, en raison de l'absence de
pareils mots et expressions dans l'autre revendication, que
l'article 60 du règlement n'est pas respecté. On a fait remarquer
dans la décision du Bureau, datée du 9 juin 1970, que "ces
restrictions, entre autres, établissent clairement que la
revendication 1 peut être mise en oeuvre sans entrer en contradiction
avec la revendication 4 et vice versa". Ainsi, on a imposé un critère
non seulement pour s'assurer que les termes d'une revendication
apparaissent dans l'autre, mais pour s'assurer que la mise en oeuvre
de chaque revendication entraînerait invariablement la mise en oeuvre
d'une revendication que l'on considérerait comme étant la revendication
large. Pareil critère d'infraction n'est pas observé; i1 n'y a
aucune revendication large telle que celle mentionnée dans l'article
60 du règlement, et l'article 38 n'est pas respecté.
Dans sa réponse du 7 août 1971, le requérant a déclaré ce qui suit:
Le requérant soutient que l'objet des revendications 1 à 6
inclusivement ne vise qu'une invention, et de ce fait se
situe dans les limites de l'article 38 de la Loi canadienne
sur les brevets. Le requérant expose qu'un refus desdites
revendications, parce qu'elles ne sont pas conformes aux
prescriptions de l'article du règlement 60, va au-delà des
dispositions de l'article 38 de la Loi.
Étant donné que les principes bien connus d'analyse de
réseau, en ce qui a trait à la dualité des circuits en
"série" et en "parallèle", confirment l'argument principal
du requérant soutenant que les revendications 1 à 6 ne visent
qu'une invention, le requérant croit qu'une brève introduction
à ces principes permettrait de clarifier les points litigieux
concernant sa demande.
La question de la dualité, ainsi que la méthode de conversion
d'une représentation de circuit électrique en sa représentation
double correspondante, sont énoncées dans le manuel intitulé
"Electrical Engineering Circuits", rédigé par Hugh Hildreth
Skilling, dont les droit de publication appartiennent à John Wiley
& Sons Inc. (page 288 et autres). A la page 290 du manuel précité
figure un exemple (figure 9-18), et le paragraphe suivant est tiré
du manuel en question.
"La similarité des équations en matière de forme est évidente.
En détail, nous admettons une dualité entre les éléments. Dans
la liste qui suit, les éléments figurant sur la même ligne sont
les doubles de chaque autre:
résistance conductance
inductance capacitance
tension courant
Il existe une règle pour trouver le double d'un réseau, et elle
se lit comme suit: sur le diagramme de réseau, marquer une note
pour le réseau double dans chaque boucle du réseau initial, et un
noeud de plus (qui sera le noeud de référence) à l'extérieur de
toutes les boucles du réseau initial. Tracer une ligne à travers
chaque élément du réseau initial; chacune de ces lignes doit se
terminer sur les noeuds que l'on vien d'indiquer pour le réseau
double. Chacune de ces lignes représente un élément du réseau
double qui est lui-même le double de l'élément original à travers
lequel la ligne est tirée. C'est-à-dire, si la ligne traversait
la capacitance, l'élément du réseau double représente l'inductance;
si la ligne traversait une source de tension constante, l'élément
représente une source de courant constant, et ainsi de suite, selon
la liste susmentionnée.
L'examinateur a déclaré que "la conception et le fonctionnement
de deux types de générateur diffèrent considérablement l'un de
l'autre, comme l'indiquent les dispositions de circuit entièrement
différentes qui en résultent". En effet, le requérant convient
que deux circuits doubles, utilisant des sources de courant et de
tension, fonctionnent différemment l'un de l'autre. Cependant,
ayant trouvé une solution au problème, comme l'illustre l'un ou
l'autre des deux circuits, le requérant est d'avis qu'aucune invention
n'est requise pour passer d'une configuration à l'autre.
On expose respectueusement que le requérant n'a trouvé qu'une
ablution fondamentale au problème, et que la demande immédiate
décrit et revendique deux réalisations différentes de cette solution,
étant donné que la représentation schématique, et également la
représentation physique d'un circuit particulier, peuvent être
modifiées pour passer d'une représentation à une autre et vice versa.
Tout cela ne demande que les aptitudes voulues pour manipuler les
équations nécessaires au suivre les "règles" établies.
Puisqu'il n'y a qu'une invention, la présence des deux représentations
de la demande immédiate doit être entièrement conforme aux dispositions
de l'article 38 de la Loi sur les brevets.
Le requérant croit que la difficulté à laquelle s'est heurtée sa
demande ne provenait pas du fait qu'elle n'était pas conforme à la
Loi sur les brevets ou aux buts du régime des brevets, mais résultait
d'un conflit apparent avec l'interprétation de l'article 60 du règlement
pas l'examinateur.
On expose respectueusement que l'an doit examiner les concepts
globaux ainsi définis par les termes et les éléments de chacune
des revendications pour déterminer s'ils ont ou non la même
portée, plutôt que les termes et les éléments particuliers eux-mêmes.
Une fois cette analyse effectuée, il va sans dire qu'il y a unité
d'invention et que les deux séries de revendications ne définissent
rien de plus que deux réalisations d'un seul concept inventif.
Après examen des motifs de refus énoncées par l'examinateur, et
des arguments de vive voix et par écrit présentés par le requérant, je
suis convaincu que le refus est bien fondé.
A l'audience, le mandataire a examiné le point de vue du requérant
et a souligné que à son avis, toutes les revendications doivent être
acceptées dans une même demande.
Il s'agit, cependant de savoir si les revendications répondent aux
exigences de l'article 38 de la Loi sur les brevets et de l'article 60
du Règlement sur les brevets.
Dans sa réponse du 10 août 1971, le requérant a annulé les revendications
7 et 8 soulevé les points suivants:
a) le principe de dualité est bien connu;
b) un circuit utilisant un type de composants contitue une
invention;
c) le passage du circuit de b) en se servant du principe
exposé en a) me constitue pas une invention;
d) les deux configurations peuvent être qualifiées d'invention
par rapport à l'antériorité; et par conséquent
e) les deux configurations, étant équivalentes, représentent
la même invention.
L'affirmation fondamentale figure dans la conclusion e). Il est
couramment admis qu'un requérant peut décrire et revendiquer plus d'une
incorporation de son invention. Toutefois, le requérant ne peut revendiquer
pareilles incorporations dans la même demande que s'il existe une revendi-
cation large acceptable englobant les incorporations.
Il pourrait se présenter des cas où un argument pourrait être formulé
de manière à montrer qu'une incorporation d'une invention ne constitue pas
une invention en raison d'une autre, éliminant ainsi la nécessité d'une
revendication large pour être conforme aux dispositions de l'article 60 du
Règlement sur les brevets. Cependant, cet article requiert une revendication
de portée plus large que toute autre revendication de la demande.
On fait remarquer qu'un amplificateur fluide particulier répond
à une certaine équation et, en suivant une règle donnée, on peut concevoir
et établir les équivalents électriques sans faire appel à une autre invention.
Bien que les deux montages s'équivalent du point de vue mathématique,
ils ne correspondent pas ni au point de vue de leur structure, ni quant
à l'utilisation que visent les revendications. On fait remarquer également
qu'un produit industriel, se conformant strictement au libellé de l'un ou
l'autre groupe de revendications, n'entrerait pas en conflit avec le
libellé de l'autre groupe de revendications.
J'estime que les revendications ne sont pas conformes aux
prescriptions de l'article 60 du Règlement sur les brevets et sont censées
viser, par conséquent, plus d'une invention, puisqu'il est évident que
l'article 60 du Règlement sur les brevets exige une revendication de plus
grande portée que toute autre revendication de la demande comme critère
de conformité aux dispositions de l'article 38 de la Loi sur les brevets.
A mon avis, les revendications ne répondent pas à ce critère et
sont censées viser plus d'une invention. A cet effet, je recommande
le maintien de la décision de l'examinateur refusant les revendications
parce qu'elles ne sont pas conformes aux dispositions de l'article 38 de
la Loi sur les brevets.
Le Président de la Commission d'appel
des brevets
R.E. Thomas
Je souscris aux constatations de la Commission d'appel des brevets
et refuse d'accorder un brevet en ce qui a trait aux revendications ~us
leur forme actuelle. Le requérant dispose d'une période de six mois au
cours de laquelle il pourra interjeter appel de la présente décision
autermes de l'article 44 de la loi sur les brevets.
Telle est ma décision,
Le commissaire des brevets
A. M. Laidlaw
Fait à Ottawa (Ontario
le 14 octobre 1971