DECISION DU COMMISSAIRE
MEMOIRE IMPRECIS: Résultat désiré; revendications fonctionnelles;
invention spéculative.
Bien que la fonction soit brevetable en termes de résultat, le monopole
revendiqué né doit pas excéder l'invention faite ni l'invention exposée.
Les exposés fonctionnels ne doivent pas rendre une revendication ambiguë
en laissant les limites du monopole indéterminées, ni s'étendre à des
domaines spéculatifs ou inopérants dans lesquels l'application de l'invention
est imprévisible. De longues expériences seraient nécessaires, pour
déterminer l'enduit qui pourrait être utilisé avec succès, en dehors du
produit alumineux décrit dans la revendication.
DECISION FINALE: Confirmée
RELATIVEMENT A une demande de révision, par le
Commissaire des brevets, de la décision finale de
l'examinateur aux termes de l'article 46 du Règle-
ment régissant les brevets.
ET
RELATIVEMENT A la demande de brevet no de série 009,086
déposée le 4 janvier 1968 pour une invention intitulée:
ENVELOPPE POUR PRODUITS FUMABLES DU TABAC
Mandataires du requérant: MM Fetherstonhaugh et Cie
Ottawa (Ontario)
La présente décision a trait à une demande de révision par le Commissaire
des brevets de la décision finale de l'examinateur, datée du 5 novembre 1970,
et portant refus des revendications 1 et 7 (actuellement 6).
La demande 009,086 a été déposée le 4 janvier 1968, au nom de E.J.
Niedek, et a trait à une "Enveloppe pour produits fumables du tabac".
Lors de l'instruction qui s'est terminée par la décision finale, datée
du 5 novembre 1970, l'examinateur a rejeté les revendications 1 et 7 pour
les raisons suivantes:
a) revendications imprécises
b) trop larges compte tenu de la divulgation et
c) trop larges compte tenu de la technique antérieure
La technique antérieure citée dans le mémoire est le brevet américain
2,976,190 accordé à Meyer, le 21 mars 1961, C1. 131-17.
L'examinateur a déclaré:
Les revendications 1 et 7 sont rejetées parce qu'elles sont
imprécises et n'énumèrent pas suffisamment les particularités
de l'article revendiqué pour donner un sens clair et
précis à l'énoncé fonctionnel des deux revendications,
se rapportant à l'enduit métallique dont le poids:
"n'est pas assez élevé pour produire à l'usage
un effet de refroidissement par conduction, mais
ayant très peu d'effet sur la porosité ou la
combustibilité de la matière, ledit enduit
métallique produisant lors de la combustion une
cendre moins perméable à l'air que la cendre
produite par la matière non enduite".
Les revendications 1 et 7 qui ont trait à une enveloppe adéquate
des produits fumables du tabac composée d'une matière combustible
en feuilles, recouverte d'un enduit métallique ne pesant pas moins
de 0.5 microgramme par millimètre carré, sont aussi rejetées parce
qu'elles sont trop larges par rapport au mémoire descriptif dans
lequel l'enduit métallique à base d'aluminium d'une épaisseur
donnée est représenté comme étant le seul enduit qui permette
d'atteindre l'objectif de l'invention, c.-à-d. réduire le facteur
cancérigène du tabac fumé. Le terme "métal alumineux" définit
aux lignes 17 à 19 de la page 3 comme étant de l'aluminium et des
alliages d'aluminium ayant sensiblement le même effet sur la tempé-
rature de combustion la plus élevée que l'aluminium lui-même, de
même épaisseur.
Un passage du préambule du mémoire, lignes 7 à 14 de la page 3,
cité dans la lettre du demandeur indique que le demandeur "ne
considérait pas que son invention n'était efficace que lorsqu'on
utilisait des endjits métalliques à base d'aluminium", correspond
effectivement à la revendication no.1 originale rejetée dans la
décision du Bureau datée du 27 février 1969, parce que l'exposé
était trop imprécis quant à l'"enduit métallique" revendiqué. Par
conséquent, ce passage n'est pas considéré comme étayant suffisamment
les revendications 1 et 7.
Les revendications 1 et 7 sont aussi rejetées parce qu'elles sont
trop larges, compte tenu de l'exposé de l'invention Meyer portant
sur un papier à cigarette recouvert d'une feuille d'aluminium
flocculeux. Les énoncés imprécis et non explicites commençant par
les mots "et pas assez élevé" jusqu'à la fin de ces deux revendica-
tions n'établissent pas que l'objet est brevetable parce que
différent de celui de Meyer.
Dans sa réponse du 5 février 1971, le demandeur déclare:
Je demande au Commissaire de réviser la décision finale
des examinateurs, en vertu de l'article 46(2) du Règlement
en prenant en considération les modifications citées plus
haut dans les revendications.
Telle que modifiée actuellement, la revendication 1 se
limite à la particularité figurant auparavant dans la
revendication 6, soit que l'enduit métallique est un
enduit métallique déposé à la vapeur. Cette modification
a aussi été incluse dans la revendication 6 révisée. La
pratique antérieure, notamment le brevet américain
2,967,190 accordé à Meyer, ne stipule pas l'utilisation
d'un enduit métallique déposé à la vapeur.
En ce qui a trait à la référence faite par l'examinateur
aux cas de Clyde Nail Co. Ltd, c/Russell, 33, R.P.C. 291
et aux brevets I.G. Farbenindustrie A.G. 47, R.P.C. 289, je
vous fais, respectueusement remarquer que ces jugements portent
sur des "brevets restreints" et que l'invention qui fait l'objet
de la présente demande n'entre pas dans cette catégorie. Il
a toujours été clairement établi, notamment dans le cas I.G.
Farbenindustrie A.G. cité en exemple par l'examinateur,que les
conditions et exigences spéciales des brevets restreints ne
s'appliquent que lorsque l'invention revendiquée est un élément
d'un mémoire descriptif général antérieur. Lorsqu'il n'existe
aucun mémoire descriptif général antérieur, ces cas ne sont
pas pertinents, et dans le cas présent, il n'y a aucun mémoire
descriptif général antérieur pour des enveloppes à cigarettes
avec enduit métallique. Le brevet Meyer déjà cité ne fait
pas mention d'un enduit uniforme d'aluminium mais plutôt de
1'application de flocons préformés d'aluminium. De plus, bien
que le brevet britannique déjà mentionnée dans les présentes
spécifications fasse état d'un enduit; ce dernier n'est que
de 20 millionièmes de pouce, ce qui est, comme nous l'avons
expliqué, bien inférieur à l'épaisseur minimale proposée dans le
présent cas. Il est donc très clair que la présente invention
n'est pas un élément restreint d'un mémoire descriptif général
antérieur; les arguments de l'examinateur sont donc hors de
propos.
Après avoir examiné les raisons du rejet énoncées par l'examinateur,
ainsi que les arguments présentés par le demandeur, je suis convaincu que
le rejet est bien fondé pour deux raisons.
En raison des modifications apportées aux revendications 1 et 7,
l'examinateur est prêt à infirmer le rejet de ces revendications (actuellement
la revendication 6) stipulant qu'elles sont trop imprécises compte tenu de la
pratique antérieure. Ce rejet est infirmé.
La question à résoudre est de savoir si les revendications 1 et 6 sont:
a) imprécises, et
b) trop larges compte tenu de la divulgation
Je traiterai en premier lieu du rejet des revendications 1 et 6
parce qu'elles sont imprécises, puisque des énoncés fonctionnels y sont
utilisés pour indiquer l'épaisseur maximale de l'enduit du papier à
cigarettes, par rapport à son poids.
Qu'entendons-nous par le terme "fonctionnel" dans le contexte des
revendications. Ce terme est utilisé dans un grand nombre de cas différents;
cependant, dns ce cas-ci, la limite supérieure d'un important élément des
revendications est simplement exprimée en termes des résultats recherchés.
Autrement dit, le monopole revendiqué s'appliquerait à tout ce qui permettrait
d'obtenir le résultat recherché.
I1 est établi que la revendication fonctionnelle qui consiste à fonder
une revendication sur les résultats recherchés est tout à fait admise par
la Loi sur les brevets du Canada. Toutefois, une revendication fonctionnelle,
pas plus que toute autre revendication, ne doit être ambiguë, Une revendication
est généralement considérée comme étant ambiguë lorsqu'un homme du métier ne peut
déterminer facilement, sans se livrer à des expériences complexes, si ce
qu'il envisage de faire est compris dans les limites du monopole revendiqué.
Autrement dit, les limitations fonctionnelles ne doivent pas être imprécises
ni exprimées en termes tellement vagues qu'il soit quasi impossible de déterminer
l'étendue exacte du monopole revendiqué.
Les limites fonctionnelles en question sont les suivantes:
"n'est pas assez élevée (se rapportant à l'épaisseur
de l'enduit par rapport à son poids) pour produire
à l'usage un effet de refroidissement par conduction,
mais ayant très peu d'effet sur la porosité ou la
combustibilité de la matière."
Je constate ici que l'epaisseur maximale de l'enduit par rapport à
son poids est déterminée par trois limites fonctionnelles, c'est-à-dire
limites quant au résultat:
a) et pas assez élevée pour produire à l'usage un
effet de refroidissement par conduction,
b) mais ayant très peu d'effet sur la porosité de
la matière,
c) mais ayant très peu d'effet sur la combustibilité
de la matière.
De plus, l'enduit doit pouvoir être déposé à la vapeur (revendication no. 1).
Le métal choisi doit en outre fondre en un mince film continu pour former une
enveloppe de faible porosité, (voir page 6 de l'énoncé), et cette enveloppe
(lorsque devenue cendres) doit être moins perméable à l'air que la cendre de
la matière non enduite.
Je maintiens qu'il faudrait se livrer à des expériences considérables
pour déterminer quels enduits particuliers donneraient les meilleurs
résultats et que tout ceci nuirait considérablement à tout fabricant
désirant se soustraire aux termes du monopole.
Je déclare donc qu'en ce sens les revendications sont imprécises
relativement au monopole revendiqué, puisqu'elles ne déterminent pas de
façon claire et précise, selon les termes de l'aeticle 36 de la Loi sur les
brevets, l'épaisseur de l'enduit par rapport à son poids. De plus, je trouve
que l'épaisseur maximale par rapport au poids n'indique pas l'épaisseur
critique de l'enduit, à moins d'employer un métal spécifique; ce qui rend
les revendications encore plus imprécises.
Etudions maintenant l'autre aspect du rejet stipulant que les revendications
1 et 6 sont trop larges compte tenu de la divulgation en ce qui a trait à
l'article revendiqué: "un enduit métallique".
Je remarque que le demandeur a caractérisé son invention dans les
lignes 7 à 14 de la page 3 du mémoire en termes qui rendent apparent le fait
qu'il considère son invention comme étant l'application d'un genre particulier
d'enduit métallique sur du papier à cigarettes. D'après ce passage, il
est évident que le demandeur considère que son invention ne serait pas
efficace avec des enduits métalliques autres qu'alumineux.
Je trouve que les revendications 1 et 6 sont trop vagues en ce qui a
trait à l'invention qui est exposée parce qu'elles couvrent des domaines
inconnus et inexplorés dans lesquels l'application de l'invention est
imprévisible. Dans tout le mémoire descriptif, il n'y a aucune indication
ni aucune instruction disant que les papiers enduits d'autres métaux pue
les métaux alumineux donneraient les résultats escomptés dans l'invention,
c.-à-d. augmenter la température de combustion maximale pour affaiblir le
facteur cancérigène du tabac fumé. Je trouve que les revendications sont
spéculatives et qu'elles tentent de couvrir un domaine beaucoup plus vaste
que celui réellement exploré par le demandeur. Il est bien établi que le
droit du demandeur de revendiquer une généralisation dans l'énoncé est
limité. Il est aussi établi que le demandeur ne peut revendiquer une
grande classe de substances à partir d'une hypothèse très ténue sur la façon
de les utiliser. De plus, il est évident que les revendications portent
sur des réalisations inopérantes, et finalement, que l'on doit rappeler au
demandeur qu'il y a deux limites imposées à l'étendue du monopole revendiqué:
a) il ne doit pas dépasser l'invention faite; et b) il ne doit pas excéder
l'invention divulguée.
Je recommande que la décision de l'examinateur portant refus des
revendications 1 et 6 pour les raisons précitées soit maintenue.
R.E. Thomas
Président, Commission d'appel
des brevets
Je souscris aux constatations de la Commission d'appel des brevets
et rejette les revendications 1 et 6 de la présente demande. Le
demandeur dispose de six mois pour interjeter appel de la présente
décision, aux termes de l'article 44 de la Loi sur les brevets.
Telle est ma décision.
Le Commissaire des brevets
A.M. Laidlaw
Fait à Ottawa (Ontario)
le 19 avril 1971