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                             DECISION DU COMMISSAIRE

 

JUXTAPOSITION: Aucune relation fonctionnelle

 

Une cabine pour bain de soleil avec un plafond réfléchissant la lumière et des

lampes pour éclairer le plafond, des lampes étant disposées de façon à simuler

les rayons solaires ainsi que des lampes baignant le bas de la pièce de rayons

ultraviolets bactéricides (UVB), reproduisant chacune les phénomènes naturels

du ciel, de la lumière et des rayons solaires, mais n'ayant aucune interrelation

pour former un ensemble unitaire; ce n'est qu'une juxtaposition de plusieurs

résultats produits par les éléments respectifs.

 

   DECISION FINALE: Confirmée

 

RELATIVEMENT a une demande de révision, par le Commissaire des

brevets, de la décision finale de l'examinateur en vertu de l'article 46 du

Règlement régissant les brevets.

 

                              ET

 

RELATIVEMENT à la demande de brevet no de série 999,637 déposée

le 8 septembre 1967 pour une invention intitulée:

 

               CABINE POUR BAIN DE SOLEIL ARTIFICIEL

 

Mandataires du requérant:

 

Mm. Gowling & Henderson

116, rue Albert

Ottawa 4 (Ontario)

 

   La présente décision a trait à une demande de révision, par le

Commissaire des brevets, de la décision finale de l'examinateur datée du 24

novembre 1970, portant refus de la demande.

 

   La Commission d'appel a entendu l'appel le 22 avril 1971. M. G.A.

Macklin et M. D. Puttick représentaient le requérant. Les faits sont les suivants:

 

La demande 999,637 a été déposée le 8 septembre 1967 au nom de H.R. Ruff

et al. et a trait à une "Cabine pour bain de soleil artificiel".

 

   Au cours de l'instruction qui s'est terminée par la décision finale

datée du 24 novembre 1970, l'examinateur a rejeté la demande parce qu'elle n'est

rien d'autre qu'une simple juxtaposition non brevetable d'éléments bien connus,

comme il ressort des références citées. De plus, il n'y a aucune ingéniosité

inventive puisque le demandeur n'a fait que rassembler un certain nombre d'éléments

connus pour reproduire un phénomère naturel.

 

Voici les réalisations antérieures citées:

 

Brevets canadiens

 

648,088         4 septembre 1962     Class. 135-1  Dessins 2 pages     Bird

649,479         2 octobre 1962       Class. 135-1  Dessins 1 page      Peddell

619,168         25 avril 1961        Class. 240-112 Dessins 2pages     Stahlhut

568,939         13 janvier 1959      Class. 240-37 Dessins 2pages     Frizzell

709,727         18 mai 1965          Class. 240-34 Dessins 3pages     Cramer

 

Chapitre 15 du Westinghouse Lighting H.B. (Manuel Westinghouse),

Copyright 1958 (disponible à la pièce 420 du Bureau canadien des

brevets)

 

   Dans sa décision finale, l'examinateur soutient que le demandeur n'a

fait que présenter et revendiquer une simple juxtaposition non brevetable

d'éléments faciles à trouver, chacun ayant été choisi pour son aptitude connue à

reproduire un effet particulier du phénomène bien connu du bain de soleil naturel.

De plus, le demandeur n'a eu à faire preuve d'ingéniosité ionventive à aucun

moment du choix et de la juxtaposition de ces éléments puisqu'il n'avait qu'à

les réunir et à les utiliser de façon appropriée pour que leurs effets conbinés

puissent être perçue et "reconnus", par une personne se trouvant à proximité,

comme les effets simulés d'un bain de soleil.

 

L'examinateur a ajouté que les revendications ne sont pas l'exposé

d'une nouvelle combinaison donnant un nouveau résultat unique et imprévu

puisque l'invention alléguée a pour objet la reproduction artificielle du

phénomène bien compris du bain de soleil, et consiste clairement en trois effets

indépendants:

 

1) des lampes envoyant la lumière vers le bas,à partir

d'un plafond mat, pour donner l'illusion des rayons

solaires;

 

2) des lampes bleues réfléchissant la lumière sur ce

même plafond pour crier l'illusion du ciel;

 

3) des lampes UVB réfléchissant les rayons sur le

plafond mat pour donner un bronzage uniforme.

 

   Il est à remarquer que les points 1 et 2 sont tous deux conçus pour

créer chacun une illusion séparée et distincte et que seul le troisième point

donne le bronzage. Chacun des résultats recherchés dans les points 1, 2 et 3 sont

obtenus séparément par trois moyens indépendants. Un quatrième article, la

cabine pneumatique, est obtenue par un autre moyen séparé.

 

   La demande de révision faite par le demandeur le 24 février 1971, aux

termes de l'article 46 du Règlement régissant les brevets, semble se centrer

autour du fait suivant: réalisation d'une combinaison donnant un effet synergique

unique de bain de soleil.

 

   Le demandeur a de plus soulevé la question de savoir si le chapitre

15 du Manuel Westinghouse a été appliqué de façon appropriée en ce qui a trait

à l'utilisation des lampes UVB, c.-à-c. en réfléchissant les rayons ultraviolets

bactéricides sur un plafond mat pour que toute la salle soit uniformément

irradiée. Dans les pages 2 à 4 de sa lettre du 24 février 1971, le demandeur

explique en détail la distinction entre les lampes solaires et les lampes bacté-

ricides pour démontrer que le concept des lampes bactéricides ne s'applique pas

aux lampes solaires.

 

   Le demandeur a aussi soulevé les points suivants qu'il considère avoir

été mal analysés par l'examinateur:

 

a) besoin à combler

b) coopération entre éléments et

c) évidence

 

   Après avoir examiné les raisons du rejet énoncées par l'examinateur,

ainsi que les arguments écrits et verbaux présentés par le demandeur, je suis

convaincu que le rejet est bien fondé.

 

   A l'audition de la cause, les arguments présentés au cours de

l'instruction ont été approfondis et mis en valeur, et un certain nombre de cas

de jurisprudence ont été cités pour étayer les dires du demandeur.

 

La revendication no 1 se lit comme suit:

 

Une cabine pour bain de soleil artificiel

comprenant:

 

a) un platfond mat réfléchissant la lumière bleue

et ultraviolette

 

b) un moyen pour supporter le plafond au-dessus

du sol;

 

c) une première lampe près dudit plafond et disposée

de façon à émettre de la lumière directement vers

le bas pour simuler les rayons solaires;

 

d) une deuxième lampe sous ledit plafond et orientée

  de façon à illuminer le plafond d'une lumière

diffuse bleu-blanc; et

e) un certain nombre de lampes UVB au-dessous dudit

plafond disposées de façon à distribuer le plus

uniformément possible les rayons UVB sur le sol.

 

Voici les points qui doivent être pris en considération:

 

a) l'objet des revendications constitue-t-il une

juxtaposition?

 

b) sa conception a-t-elle demandé de l'ingéniosité inventive?

 

   Je commencerai par commenter les questions soulevées par le demandeur

dans sa réponse à la décision finale. Quant à savoir si le chapitre 15 du manuel

Westihghouse a été appliqué adéquatement, je trouve que les arguments présentés

ne se rapportent pas à la partie pertinente des pages 15 à 22 du manuel qui

traite tout particulièrement des lampes solaires utilisées "pour irradier toute

la pièce" (comme c'est le cas dans la cabine pour bain e soleil artificiel pré-

sentée par le demandeur). Dans le paragraphe intitulé "Irradiation de toute la

pièce", il est reconnu que l'irradiation peut être réalisée par rayonnement

direct ou par rayonnement réfléchi sur la partie supérieure des murs et sur le

plafond d'une pièce, mais il est bien dit que cette seconde méthode est très peu

efficace, vu le pouvoir réfléchissant de la plupart des surfaces des pièces.       Le tableau de référence indique cependant que si les murs et le plafond sont

recouverts de plâtre blanc (que l'on peut considérer comme une surface réfléchis-

sante mate) le coefficient de réflexion des rayons UVB émis peut atteindre 50%.

Le tableau indique aussi qu'avec. différents finis à bases d'aluminium ce

coefficient peut être de 60 à 85%. Le demandeur n'envisage rien d'autre que

l'utilisation d'un plafond mat poux réfléchir les rayons UVB.

 

   Quant à la question du "besoin à combler", je ne vois aucune preuve

d'un besoin à combler et je considère cette question comme non pertinente en ce

qui a trait au rejet,pour raison de juxtaposition. Relativement au deuxième point

soulevé dans la même question, b) "coopération entre les éléments", je trouve qu'il

est très bien analysé dans le rapport de la "décision finale", au dernier paragra-

phe de la page 1 qui continue en page 2. Ce paragraphe se lit comme suit:

 

 D'abord, le demandeur n'a pas découvert ni inventé un

effet "de bain de soleil", il a seulement simulé un

phénomène naturel au degré jugé adéquat pour une fin

précise.En simulant un tel effet de bain de soleil, le

demandeur n'a fait que choisir des éléments connus

pouvant reproduire les effets de chacun des éléments

connus du bain de soleil naturel et réunir ces éléments

dans une cabine pour bain de soleil artificiel. De sa

réalisation, le demandeur conclut que puisqu'il a

reproduit ces effets avec un certain degré de réalisme,

le résultat est certainement dû à un certain degré de

synergisme des éléments réunis prouvant bien la présence

d'invention. Cette conclusion fait bon marché du fait

que l'on peut reproduire ces effets avec beaucoup de

réalisme grâce à la simple juxtaposition ou réunion

d'appareils courants et faciles à obtenir. Après étude

attentive de l'exposé et des arguments afférents, il a

été établi que le demandeur a exposé et revendiqué une

simple juxtaposition de ce genre. Ainsi, la réunion

par le demandeur, et dans une pièce close, d'un premier

groupe de lampes pour reproduire les rayons solaires,

d'un deuxième groupe de lampes bleues pour répandre

une lumière bleue sur le plafond de la pièce et imiter

le firmament, et d'un groupe de lampes UVB pour irradier

la pièce de rayons bronzants n'est pas considérée comme

une combinaison synergique produisant un résultat unique

et unitaire, c'est-à-dire la reproduction des effets du

bain de soleil, comme le prétend le demandeur. Au

contraire, l'effet de chaque groupe de lampes est consi-

déré comme étant ressenti indépendemment par une personne

à l'intérieur de la pièce, et ce n'est qu'une fois ces

effets indépendants perçus par les sens respectifs de la

personne et transmis au cerveau que la personne reconnaît

les sensations perçues comme les effets d'un bain de soleil.

Ainsi, même si le demandeur avait été jusqu'à ajouter le

bruit des vagues, du sable, des palmiers tropicaux et le

souffle rafraîchissant de la brise pour renforcer davantage

l'illusion du bain de soleil naturel, les résultats n'au-

raient pas été plus inventifs que ceux obtenus avec la

combinaison actuelle puisqu'ils n'auraient rien été de plus

que le fruit d'une juxtaposition plus complexe. La

cabine pour bain de soleil artificiel présentée par le

demandeur est donc considérée comme une simple justaposition

ou un simple choix d'éléments réunis et utilisés de façon

ordinaire, dans une pièce close, de façon à ce que leurs

effets distincts et concurrents correspondent jusqu'à un

certain point au bain de soleil nature. La cabine pour

bain de soleil artificiel exposée et revendiquée par le

demandeur n'a donc aucun caractère inventif. Autrement dit,

le demandeur ne peut pas revendiquer le droit qui est du

domaine public de choisis et réunir les articles de son

choix.

 

En ce qui a trait au troisième point soulevé dans cette question,

c) "l'évidence", j'e trouve que les arguments concernant l'article b) ci-dessus

y répondent très bien, ainsi que l'énoncé détaillé de chacune des techniques se

rapportant aux éléments constitutifs de la cabine pour bain de soleil artificiel

revendiquée par le demandeur.

 

   Mon analyse portera maintenant sur la raison principale du rejet:

"l'objet des revendications constitue-t-il une juxtaposition d'éléments?". Il

est bien établi que la juxtaposition ne constitue pas une invention ni dans les

procédés, ni dans les machines, ni dans les fabrications. Les éléments qui

entrent dans une juxtaposition peuvent, s'ils sont nouveaux, être des invention

séparées, mais les assembler sans qu'il y ait interraction ne peut produire de

nouveau résultat, il ne peut donc pas y avoir invention.

 

   La Cour de l'Echiquier a établi ce qu'est une combinaison suffisante

pour constituer un objet brevetable dans la cause Lestec c. le Commissaire des

brevets (1946) C.P.R. 6 à 3, dans laquelle le juge a déclaré:

 

Les autorités conviennent qu'une combinaison n'est pas

brevetable lorsque chacun de ses éléments accomplit

fonctions indépendamment des autres et que les parties

ne sont pas combinées pour produire un résultat commun.

 

Cela a été exprimé comme suit par Lord Tomlin dans la

cause British Celanese Ltd. c. Courtaults Ltd. (1935)

52 R.P.C. 171 à 193:

 

"C'est un principe de droit bien établi que le simple

fait de placer côte à côte d'anciens éléments complets

de façon que chacun d'eux accomplisse ses propres

fonctions indépendamment des autres n'est pas une combi-

naison brevetable, mais que le fait de placer côte à

côte d'anciens éléments complets fonctionnant en

interrelation et produisant un résultat nouveau ou amé-

lioré constitue un objet brevetable en raison de

l'interrelation fonctionnelle créée par la réunion de

ces éléments".*

      Je trouve que la revendication no 1 de cette demande comprend des

 éléments produisant clairement des effets indépendants:

 

      1) des lampes envoyant la lumière vers le bas, à partir

 d'un plafond mat, pour donner l'impression des

 rayons solaires;

      2) des lampes bleues réfléchissant la lumière sur ce même

 plafond pour créer l'illusion du firmament;

 

 3) des lampes UVB réfléchissant les rayons sur le

 plafond mat pour produire un bronzage uniforme;

 e) une structure pneumatique pour former la cabine.

 

      Je trouve que les revendications du demandeur ne répondent pas aux

 exigences d'une combinaison. Le demandeur a utilisé un certain nombre d'éléments

 connus et les a groupés de façon à ce que chacun d'eux remplisse ses propres

 fonctions indépendamment des autres. Il n'y a aucune interrelation fonctionnelle

 produisant un résultat commun ou unitaire; je trouve donc que tout cela n'est

 qu'une simple juxtaposition de plusieurs résultats.

 

      Le demandeur soutient qu'il a conçu une combinaison produisant un seul

 et même effet synergique de bain de soleil. Je maintiens que les résultats

 obtenus ne sont rien d'autre que la somme de toutes les fonctions des éléments en

 présence.. Dans une vraie combinaison, il doit y avoir synergisme, et le résultat

 doit dépasser la somme des fonctions des différentes parties.

 

      J'étudierai maintenant l'autre aspect du rejet, savoir "la conception

 a-t-elle demandé de l'ingéniosité inventive?". Je trouve que la réponse à cette

 question a été donnée dans les paragraphes précédents, car si j'ai raison de dire

 que les revendications portent sur une juxtaposition, il n'y a aucun nouveau

 résultat, donc aucune invention. Le demandeur n'a fait que rassembler un certain

 nombre d'éléments connus pour reproduire un phénomène naturel, et je maintiens

 qu'il est du domaine de tout homme du métier de produire un système qui simule un

 phénomène naturel quelconque, et que cela ne nécessite pas d'ingéniosité inventive.

 

Je suis convaincu que la disposition particulière exposée par le

 demandeur a certains mérites, nais je ne crois pas que l'objet revendiqué nécessite

 l'exercice des facultés créatrices de l'homme au point de constituer une invention

 ou un droit su monopole. Je suis convaincu que l'objet revendiqué constitue une

 juxtaposition d'éléments connus et qu'il lui manque un attribut de brevetabilité:

 l'ingéniosité inventive.

 

      Je recommande que la décision de l'examinateur, portant refus de la

 demande parce que le demandeur n'expose ni ne revendique rien d'autre qu'une

 simple juxtaposition d'éléments connus et disponibles et que l'objet revendiqué

manque d'ingéniosité inventive, soit confirmée.

 

                        Le président de la Commission

                        d'appel des brevets

 

                       R.E. Thomas

 

   Je souscris aux conclusions de la Commission d'appel des brevets et

refuse l'octroi d'un brevet. Le demandeur dispose de six mois pour ionterjeter

appel de la présente décision, selon les termes de l'article 44 de la Loi sur

les brevets.

 

                        Le Commissaire des brevets

 

                          A.M. Laidlaw

 

Fait à Ottawa (Ontario

le mai 1971

 

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