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                        DECISION DU COMMISSAIRE

 

MATIERE CONFORME AUX STATUTS; Nourrir les animaux: Découverte.

 

Nourrir les animaux de nombreuses fois chaque jour, leur offrant chaque

fois plus de nourriture qu'ils peuvent en oranger, mais l'enlevant avant

qu'ils soient rassasiés est un procédé qui, conformément aux statuts,

améliore un produit vendable aux termes des règles établies par le juge

Morton, dans la demanda de G.E.C. (1943) 60 R.P.C., page 4 et selon le sens

de "fabrication" dans Lawson c/ le Commissaire (1970) 62 C.P.R. 101. L'objet

de la demande semble dénoter le caractère de "découverte" et d'invention

reconnu dans le cas Continental Soya c/ J.R. Short (1942) 2 C.P.R. 1.

 

DECISION FINALE: Infirmée

 

 RELATIVEMENT A une demande de révision, par le

Commissaire des brevets, de la décision finale

de l'examinateur aux termes de l'article 46 du

Règlement régissant les brevets.

 

                      ET

 

RELATIVEMENT A la demande de brevet no de série

945,851 déposée le 16 mars 1966 pour une invention

intitulée:

 

METHODE POUR NOURRIR LES ANIMAUX DOMESTIQUES

 

   Agents de brevets du requérant: MM R.K. McFadden et Cie.

                                      Ottawa (Ontario)

 

   La présente décision a trait à une demande de révision, par le

Commissaire des brevets, de la décision finale de l'examinateur datée

du 13 mai 1970 et portant refus de la demande 954,851.

 

L'examinateur a rejeté la demande parce que la méthode revendiquée

et décrite ne constitue pas un objet brevetable aux termes de l'article 2(d)

de la Loi sur les brevets.

 

   La Commission d'appel des brevets a entendu l'appel le 9 février 1971.

MM.R.K.McFadden et I. Fincham représentaient le demandeur. Les faits sont

les suivants:

 

   La demande 954,851 a été déposée le 16 mars 1966 au nom de H. Biehl

et a trait à une méthode pour nourrir les animaux domestiques.

 

   Lors de l'instruction qui s'est terminée pas la décision finale datée

du 13 mai 1970, l'examinateur a rejeté la demande parce que la méthode

revendiquée et décrite ne constitue pas un objet brevetable aux termes de

l'article 2(d) de la Loi sur les brevets.

 

l'examinateur a déclaré:

 

Fermiers et hommes de science ont expérimenté ce procédé

avec un grand nombre d'aliments différents chaque jour,

la durée et la quantité d'absorption étant aussi chaque

fois différentes. Le choix de la quantité et de la durée

-optimales ainsi que du meilleur moment pour nourrir les

animaux dépend grandement de l'exercice normal des

aptitudes d'observation de ceux qui s'occupent des animaux

et dépend aussi de la physiologie et de la nature de

l'animal. Ce procédé est bien connu pour contrôler la

quantité et le genre des aliments dans le cas d'êtres humains

qui suivent un régime. Dans la plupart des cas, leur appétit

n'est pas complètement satisfait.

 

Tel que mentionné dans la décision précédente du Bureau,

les résultats de cette méthode ne se reproduisent pas de façon

constante. L'augmentation de poids, le rapport chair-graisse

et la rapidité d'augmentation de poids semblent dépendre de la

physiologie et du métabolisme de chaque animal. Il semble que

le fait de savoir quand l'animal est rassasié au non soit laissé

au jugement humain. Tous les animaux n'ont certes pas le même

appétit et la méthode revendiquée stipule comme condition

essentielle que l'on retire tout aliment avant que l'animal soit

complètement rassasié.

 

L'article 2(d) de la Loi sur les brevets ne couvre pas tous les

procédés ou toutes les réalisations. Le mot réalisation ne peut

pas être pris dans son sens le plus large puisqu'il y a des réalisations

qui ne sont pas brevetables, certaines en vertu de statuts comme

l'article 28(3), d'autres en égard à des décisions bien connues

et acceptées des tribunaux, comme les systèmes commerciaux, les

méthodes de comptabilité, etc., et d'autres encore selon d'autres

statuts comme la Loi sur les dessins industriels, Il peut y avoir

des procédés qui no sont pas des procédés de fabrication bien qu'ils

produisant un résultat utile, comme par exemple les méthodes de

traitement des maladies chez l'Homme. La Loi sur les brevets est

conçue pour protéger les inventions dans les domaines de l'industrie

et du commerce. Une méthode pour nourrir les animaux n'entre pas dans

les mesures envisagées pour la protection de l'industrie et du

commerce aux termes de la loi sur les brevets. Les lois de la nature

régissent les résultats de l'alimentation, et la découverte d'une

loi de la nature ne constitue pas un objet brevetable. L'optimisation

des méthodes d'alimentation n'est que la conséquence de connaissances

et pratiques agricoles ordinaires non couvertes par l'article 2(d).

La délivrance d'un brevet pour ces méthodes constituerait une

restriction injuste à l'exercice normal des fonctions des hommes du métier.

 

Dans sa réponse du 13 novembre 1970, le demandeur a déclaré:

 

L'article 2(d) de la Loi sur les brevets définit l'invention comme

étant "toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication

ou composition de matières, ainsi qu'un perfectionnement quelconque

de l'un des susdits, présentant le caractère de la nouveauté et de

l'utilité, et il est clairement démontré que la méthode revendiquée

représente bien une réalisation ou un procédé nouveau et utile

aux termes de l'article 2(d) et qu'elle produit réellement

un résultat reproductible et prévisible, et qui améliore

un produit vendable, soit les animaux d'élevage et la viande

-de boucherie résultante.

 

Le demandeur a découvert, de façon inattendue, que l'utilisation

des aliments peut être sensiblement améliorée si les aliments sont

distribués aux animaux d'une façon très spéciale et inventive.

Le point essentiel de l'invention est que les animaux sont nourris

un grand nombre de fois chaque jour pendant une certaine période

chaque fois. Cette période est mesurée de telle façon que les

animaux ne peuvent satisfaire complètement leur appétit. De

cette manière, les animaux reçoivent plus d'aliments à chaque

période d'absorption qu'il leur est possible d'en manger; et on

leur enlève ces aliments avant qu'ils soient rassasiés. Le

demandeur croit que l'application de cette méthode, où la

saturation n'est jamais atteinte, entraîne une stimulation continue

du système digestif et la production constante de suc gastrique

pour convertir complètement tous les aliments absorbés. De plus

puisque l'alimentation se fait à intervalles réparties sur toute

la journée, le fonctionnement uniforme du système peptique est

garanti.

 

L'application de cette méthode constitue un procédé amélioré, soit

la réduction de la période d'engraissement avec une faible

consommation d'aliments comparativement aux autres méthodes

d'alimentation. Il y a aussi une autre amélioration: dans la

dernière partie de la période d'engraissement, les protéines ne

sont pas converties en graisse comme c'est le cas avec les

méthodes d'alimentation classiques, nais plutôt en albumine

animale qui est plus importante de point de vue économique (veuillez

vous référer au dernier paragraphe de l'exposé de la demande).

 

Par conséquent, la méthode proposée est nouvelle et constitue une

amélioration utile et essentielle. Elle fournit toutes les

explications techniques peur sa mise en application et aboutit

réellement à un phénomène physique, à davoir la conversion

améliorée et prévisible des aliments en albumine animale.

 

Après avoir examiné les raisons du rejet énoncées par l'examinateur, ainsi

que les arguments écrits et verbaux présentés par le demandeur, je ne suis pas

convaincu que le rejet est bien fondé.

 

A l'audience de l'appel, un mémoire a été présenté et bien des points

soulevés au cours de l'instruction ont été développés et relis en question.

 

La revendication no 1 se lit comme suit:

 

Une méthode chronométrée pour nourrir les animaux

domestiques afin d'améliorer l'efficacité de la conversion

de la ration alimentaire en poids utile chez l'animal, et

-dans laquelle lesdits aliments sont présentés aux animaux

au cours d'une série d'intervalles chronométrés d'absorption,

chaque jour, et enlevés aux animaux au cours d'intervalles

chronométrés de non absorption séparant les premiers, chaque

ration contenant au moins un sixième des aliments absorbés

chaque jour par les animaux, chacune des six périodes

d'absorption étant approximativement de même durée, ainsi

que les intervalles de non absorption, le nombre et la

durée desdits intervalles d'absorption étant suffisants

pour présenter aux animaux une ration suffisante pour

augmenter leur poids, et ces dits intervalles étant régularisés

de façon à ce que les intervalles de non absorption se produisent

avant que les animaux aient absorbé tous les alimenta et qu'ils

soient ainsi rassasiés.

 

   Il convient de décider en l'occurence si l'objet des revendications

est brevetable aux termes de l'article 2 (d) de la Loi sur les brevets.

 

  Je note que les règles pour déterminer quand une méthode constitue

un objet brevetable sont reprises dans La demande de G.E C.(1943) 60 R.P.C.,

1 à 4 par le juge Morton. Ces règles citées ci-dessous sont extraites du

Canadian Patent Law Practice, Harold G. Fox, quatrième édition, 1969, pages

33 et 34:

 

Il semble qu'une méthode ou un procédé constitue d'une

certaine façon une nouvelle fabrication lorsque ladite

méthode ou ledit procédé a) permet la production d'un

produit vendable, ou b) améliore un produit vendable ou

en restaure la qualité première, ou c) empêche la détérioration

de certains produits vendables auxquels la méthode ou le

procédé est appliqué.

 

   En application de la règle b) je soutiens qu'une méthode visant à

améliorer le rendement d'un produit vendable en fait "améliore ...un produit

vendable", devient ainsi un genre de fabrication et entre donc dans la

définition du mot invention donnée à l'article 2(d) de la loi.

 

   Dans une récente décision de la Cour de l'Échiquier, Lawson c/le

Commissaire des brevets (1970) 62 C.P.R. 101 le juge a étudié le terme

"procédé de fabrication", qui est employé dans les statuts en Angleterre,

en Australie et en Nouvelle-Zélande, par rapport aux mots "réalisation,

procédé, machine, fabrication au composition de matières" qui figurant à

l'article 2(d) de la Loi sur les brevets, et a conclu que les deux groupes

de mots sont simplement deux façons différentes d'exprimer les mêmes

idées. Il a continué en exprimant l'opinion suivante:

 

   "fabrication" est l'action de fabriquer quelque

   chose. Il est donc impensable qu'un procédé de

   fabrication ne donne pas un produit vendable. Un

   tel procédé doit modifier le caractère ou l'état

   d'objets matériels.

 

      Dans le cas présent, je suis convaincu que l'objet des revendications

   constitue un objet brevetable aux termes de l'article 2(d).

 

      Bien que je ne sois pas obligé de commenter davantage la demande

   présente, je trouve que la revendication no.1 n'est pas claire et

   distincte. Je trouve aussi que l'objet de la demande semble dénoter

   une découverte. Le tribunal a soutenu dans Continental Soya c/ J.R. Short

   (1942) 2 C.P.R. 1, que "la différence entre une découverte et une invention

   a souvent été soulignée", et a établi qu'un brevet ne peut être obtenu pour

   une découverte, au sens strict du terme. Si par ailleurs l'article ou procédé

   breveté ne se heurte pas à une antériorité, et que les revendications n'ont donc

   pas pour effet d'empêcher la réalisation de quelque chose qui a déjà été

   fait ou proposé antérieurement, la découverte qui a amené le titulaire du

   brevet à concevoir un procédé ou un appareil peut fort bien comporter les

   éléments d'invention nécessaires à l'obtention d'un brevet.

 

      Je recommande que le rejet de l'examinateur relativement aux revendications

   soit infirmé pour les raisons susmentionnées.

 

                                                     R.E. Thomas

                                                  Président, Commission d'appel des brevet

 

Je souscris aux conclusions de la Commission d'appel des brevets, suspends

   la décision finale, et renvoie la demande à l'examinateur pour complément

   d'instruction. Telle est ma décision.

 

                                            Le Commissaire des brevets

                                             A.M. Laidlaw

 

   Fait à Ottawa (Ontario)

   le 13 avril 1971

 

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