DECISION DU COMMISSAIRE
NON-EVIDENT: Nouvelle combinaison, non simple substitution
La question n'est pas d'établir si les éléments en soi sont nouveaux, mais si
la disposition des éléments dans la combinaison est nouvelle et non-évidente.
Le rouleau cavalier non seulement remplit la fonction connue d'enroulement, mais
actionne aussi la commutation contrôlant le fonctionnement intermittent d'une
section avancée, éliminant l'oeil magique de la technique antérieure citée. De
prime abord, il y a ingéniosité inventive parce que "Le commissaire , ne devrait
pas rejeter une demande à moins qu'elle ne soit essentiellement sans fondement"
(Vanity Fair c. le Commissaire - 1939 R.C.S. 245 en page 248).
DECISION FINALE: Infirmée
RELATIVEMENT à la demande de révision, par
le Commissaire des brevets, de la décision
finale de l'examinateur aux termes de
l'article 46 du Règlement régissant les
brevets.
ET
RELATIVEMENT à la demande de brevet portant
le no de série 981,418, déposée le 27
janvier 1967 pour une invention intitule:
MACHINE POUR LE TRAITEMENT INTERMITTENT
D'UN VOILE EN CONTINU, COMA DANS LA
FABRICATION DES SACS
Agents de brevets pour le demandeur:
MM. Kirby & Shapiro
Ottawa (Ontario)
La présente décision a trait à une demande de révision par le Commissaire
des brevets, de la décision finale de l'examinateur rejetant les revendications
1-5 inclusivement de la demande no 981,418.
La Commission d'appel des brevets a étudié l'instruction de cette demande
et les faits sont les suivants:
La demande no 981,418 a été déposée le 27 janvier 1967 au nom de A. Schwarzkopf
et elle a trait à une "Machine pour le traitement intermittent d'un voile en
continu, comme dans la fabrication des sacs".
Lors de l'instruction qui s'est terminée par la décision finale, l'examinateur
a rejeté les revendications 1-5 inclusivement parce qu'elles ne dèfinissent pas
un objet d'invention par rapport à la technique et à l'antériorité citées, comme
la divulgation du demandeur voudrait le faire croire.
Brevet canadien
696,259 20 octobre 1964 Hayes et al
Dans la décision finale, l'examinateur a déclaré:
Le rejet des revendications 1-5 inclusivement est maintenu et le motif
de ce rejet est que la prétendue invention du demandeur, comme elle
est définie dans les revendications 1-5, est évidente par rapport à
l'état de la technique indiqué dans la divulgation du demandeur et du
brevet cité.
La prétendue invention du demandeur telle qu'elle est définie dans
la revendication no 1 semble avoir trait au contrôle d'une section
d'une machine à fabriquer des sacs, fonctionnant par intermittence,
en utilisant un rouleau cavalier situé en amont de ladite section pour
actionner un commutateur situé à un endroit prédéterminé. Les reven-
dications 2-5, toutes dépendantes de la revendication no 1, ajoutent
d'autres caractéristiques qui ne changent pas matériellement le concept
de l'invention, comme l'indique plus clairement le demandeur dans ses
lettres de modification datées du 15 octobre 1969 et du 14 avril 1970.
Dans ses réponses écrites concernant les décisions du Bureau rejetant
les revendications, le demandeur a souligné le fait que sa
prétendue invention comprend une section fonctionnant en continu
et une section fonctionnant par intermittence avec, au milieu, un
rouleau cavalier muni d'un élément pouvant actionner un commutateur
... pour actionner la section fonctionnant par intermittence, par
opposition au brevet canadien précité où le rouleau cavalier ne
remplit pas une telle fonction de contrôle, et en outre que la pré-
tendue invention ne réside pas dans le choix de l'endroit d'un
élément pouvant actionner un commutateur, mais qu'il s'agit d'un
concept fondamentalement différent, savoir "une alimentation inter-
mittente résultant de la situation du rouleau cavalier" en amont
dudit dispositif d'alimentation.
En examinant maintenant l'état de la technique, comme il est indiqué
en première page de la présente divulgation, il est noté que le
contrôle d'un dispositif, fonctionnant de façon intermittente,
par un rouleau cavalier actionnant un commutateur, est déjà connu
et cette caractéristique ne peut donc être considérée comme une
distinction brevetable pour un "concept fondamentalement différent"
(voir ci-dessus) comme l'a soutenu le demandeur.
En outre, le brevet canadien no 696,259 précité décrit une machine
essentiellement identique à celle décrite dans la revendication
du demandeur, c'est-à-dire ayant des sections fonctionnant en
continu et par intermittence, avec un rouleau cavalier situé en
amont de la section intermittente mais comportant cependant une
différence, le contrôle étant effectué par un oeil magique séparé,
et non par un rouleau cavalier. Cependant, la différence ne
constitue pas une distinction brevetable étant donné qu'il est
bien connu qu'un homme du métier pourrait remplacer l'oeil magique
du brevet canadien par un commutateur actionné par un rouleau
cavalier, dont l'usage est connu dans la technique antérieure
mentionnée dans la demande en cours.
Dans sa réponse écrite du 27 août 1970, le demandeur a déclaré notamment:
La présente invention a trait à une machine pour le traitement
intermittent d'un voile alimenté en continu. En d'autres
termes, le voile est alimenté à partir d'une autre machine
à une vitesse constante. Toutefois, la présente machine exige
le traitement intermittent du voile. Ce dernier doit donc être
immobilisé à intervalles réguliers, traité, puis avancé. Au
cours de la période d'immobilisation, le voile à l'entrée con-
tinuera à se dérouler et il faut donc prévoir un endroit où
garder temporairement l'excès de voile. A cet effet, l'invention
offre un rouleau cavalier. Le demandeur admet que le rouleau
cavalier en soi est déjà connu.
Le progrès de la présente invention est la disposition du
rouleau cavalier qui, lorsqu'il atteint une position prédé-
terminée avec le voile étiré (c'est-à-dire lorsqu'un maximum
de voile est enroulé), actionne un commutateur qui déclenche
les dispositifs d'alimentation intermittente, situés en aval du
rouleau cavalier. La partie du voile en aval du rouleau
cavalier est donc avancée à une vitesse plus grande que le
voile à l'entrée, de sorte que la quantité de voile enroulé est
réduite. Lorsque le dispositif d'alimentation intermittente
est immobilisé une autre fois, la quantité de voile enroulé
s'accumule à nouveau jusqu'à ce que le mouvement se répète. De
cette façon, un mécanisme empêche le voile de s'enrouler en
trop grande quantité; et en même temps, une quantité adéquate
de voile est disponible pour le dispositif d'alimentation
intermittente.
L'examinateur combine cette technique avec la technique anté-
rieure décrite en première page de la présente demande. Il
mentionne le paragraphe commençant à la ligne 24 de la première
page, où il est dit qu'un appareil est déjà connu dans lequel
un moteur entraîne un "dispositif d'entraînement précédant le
rouleau cavalier".
Il est ensuite mentionné dans le texte que le moteur est
contrôle par le rouleau cavalier. Toutefois, comme ce
passage l'indique clairement, dans l'appareil en question,
le moteur qui est contrôlé par le rouleau cavalier précède
visiblement ce dispositif. Le demandeur ne voit pas la
pertinence de ce type d'agencement par rapport au problème
actuel qui consiste à faire en sorte qu'un appareil fonc-
tionnant par intermittence, en aval du rouleau cavalier, soit
entraîné par ce dispositif, afin de permettre l'enroulement
de la quantité nécessaire de voile sur le rouleau cavalier.
En d'autres termes, lorsque la boucle d'enroulement devient
trop longue, après avoir été mesurée par le rouleau cavalier,
le moteur en aval de ce dispositif est actionné pour retendre
le voile. Il est évident qu'un moteur qui précède, c'est-à-
dire qui est placé en amont du rouleau cavalier ne peut ef-
fectuer la même fonction. En outre, il devient évident que
l'appareil en question, décrit en première page de la présente
demande, ne peut être du même genre, par exemple, qu'un
appareil comprenant une section fonctionnant en continu suivie
d'une section fonctionnant par intermittence.
Pour qu'une combinaison de références constitue une combinai-
son valable, il faut que les descriptions des deux références,
lorsqu'elles sont combinées, se traduisent par l'invention
dont la brevetabilité est mise en doute par rapport à une telle
combinaison. En d'autres termes, les références doivent
véritablement constituer une combinaison qui aboutira à
l'invention alléguée. En étudiant les deux références sur
lesquelles l'examinateur s'est basé dans le cas qui nous occupe,
il sera facile de constater qu'elles sont inadéquates.
Après étude des motifs avancés par l'examinateur, ainsi que de tous les
arguments présentés par le demandeur, je ne crois pas que le rejet soit bien fondé.
La question à trancher dans cette demande n'est pas de savoir si les éléments
sont nouveaux, mais d'établir si la combinaison des éléments, avec la façon dont
les pièces sont disposées, est nouvelle et si elle découle de l'ingéniosité inven-
tive de l'inventeur. En outre, il suffit de prouver qu'il y a eu ingéniosité dans
la conception de l'idée ou dans la façon de l'appliquer.
La revendication no 1 de la demande se lit ainsi:
Une machine pour le traitement intermittent d'un voile alimenté
en continu, particulièrement une machine pour la fabrication de
sacs par scellement thermique transversal et par coupe transver-
sale, d'un tube ou d'un voile plié d'une épaisseur de deux plis,
en matière plastique, ladite machine comprenant
un rouleau cavalier précédant une section de la
machine fonctionnant par intermittence, pour enrouler
le voile à l'entre lorsque ladite section fonction -
nant par intermittence est immobilisée, ledit rouleau
cavalier étant muni d'un élément pour actionner un
commutateur, placé à l'endroit voulu pour faire
fonctionner ledit élément actionnant lorsque le
rouleau cavalier atteint une position prédéterminée,
avec le voile tendu pour actionner un dispositif
d'alimentation intermittent, dans la section fonc-
tionnant par intermittence, au moment où le rouleau
cavalier atteint la position prédéterminée.
Le brevet canadien cité divulgue une machine ayant une toile alimentée
en continu, enroulée sur un rouleau cavalier lorsqu'il faut effectuer un
travail sur une section avancée. Cette dernière section fonctionne par in-
termittence sous le contrôle d'un oeil magique.
La présente invention a trait à une machine ayant un voile alimenté en
continu, enroulé sur un rouleau cavalier, lorsqu'il faut effectuer un travail
sur une section avancée. Cette dernière section fonctionne par intermittence
sous le contrôle du rouleau cavalier. En d'autres termes, le rouleau cavalier
non seulement remplit la fonction connue d'enroulement, mais élimine le besoin
d'un oeil magique étant donné que le rouleau cavalier contrôle aussi le
mouvement intermittent de la section avancée.
La question à trancher est la suivante: Est-il évident que l'oeil
magique peut être supprimé et que le rouleau cavalier peut remplir la double
fonction de garder le voile enroulé et de contrôler le mouvement de la section
avancée?
Il est noté que le rouleau cavalier de cette demande reçoit un voile en
continu et qu'il actionne par intermittence une section avancée lorsqu'il
atteint une position prédéterminée, sans arrêter l'alimentation continue de
la machine. Dans la technique antérieure divulguée par le demandeur, l'alimen-
tation de la machine était interrompue lorsque le rouleau cavalier atteignait
une position prédéterminée. Dans le brevet cité, l'oeil magique contrôle
directement la seule section avancée.
Je constate qu'il existe ici un mécanisme pour empêcher que le voile
s'enroule en trop grande quantité sur le rouleau cavalier dans une alimenta-
tion continue; et qu'en même temps, il y a suffisamment de voile pour alimen-
ter la section avancée par intermittence, laquelle alimentation par
intermittence est elle-même contrôle par le rouleau cavalier. En d'autres
termes, il y a une relation de contrôle entre le rouleau cavalier et la
section avancée de la machine.
Je suis d'avis qu'un progrès technique a été accompli et qu'il n'est pas
évident que la technique antérieure permettrait d'aboutir à la nouvelle
combinaison du demandeur comme l'a prétendu l'examinateur. Je suis persuadé
que le demandeur a, de prime abord,fait preuve d'ingéniosité inventive. Le
tribunal a déclaré dans la cause Vanity Fair c. le Commissaire des brevets
(1939), R.C.S. 245 à 248: "Le commissaire des brevets ne doit pas rejeter
une demande de brevet à moins qu'elle ne soit essentiellement sans fondement".
Je recommande que les rejets, opposés à la recevabilité des revendica-
tions 1 à 5 de cette demande, soient infirmés.
Le président de la
Commission d'appel des brevets
R.-E. Thomas
Je souscris aux conclusions de la Commission d'appel des brevets, fais donc
abstraction de la décision finale, et renvoie la demande à l'examinateur pour
reprise de l'instruction.
Telle est ma décision.
Le Commissaire des brevets
A.M. Laidlaw