DECISION DU COMMISSAIRE
REDELIVRANCE: Article 50 de la Loi: Addition d'une matière à la même invention.
Articles 52 et 53 du Règlement régissant les
brevets.
La conclusion que la matière ajoutée n'était admissible dans la demande originale
qu'au seul titre d'exposé supplémentaire, que l'omission de déposer cette matière
ne rend pas le brevet défectueux aux termes de l'article 50(1) de la Loi sur les
brevets et que le demandeur n'avait aucune intention de la revendiquer, a été
affirmée. La déclaration sous serment indique que la matière ajoutée à la divul-
gation et aux revendications était bien connue et ne change pas l'invention en
question.
DECISION FINALE: Motifs infirmés
RELATIVEMENT à une demande de révision, par
le Commissaire des brevets, de la décision
finale de l'examinateur conformément à
l'article 46 du Règlement régissant les
brevets.
ET
RELATIVEMENT à une demande de brevet portant
le no de série 040,555, déposée le 20 janvier
1969, pour une invention intitulée:
REDUCTION DE L'ACIER INOXYDABLE
Agents de brevet du demandeur:
MM. C. Harold Riches Associates
Toronto (Ontario)
La présente décision a trait à une révision, par le Commissaire des brevets,
de la décision finale de l'examinateur rejetant la pétition de redélivrance. La
demande a été faite conformément à l'article 46 du Règlement régissant les
brevets.
La demande de redélivrance no 040,555 a été déposée le 29 janvier 1969, au
nom de W. Bleloch, et concerne la "Réduction de l'acier inoxydable". La pétition
se lit comme suit:
(1) Que votre pétitionnaire est le breveté du brevet no 766,171 accordé
le 29e jour d'août 1967 pour une invention intitulée "Réduction de l'acier
inoxydable".
(2) Que ledit brevet est jugé défectueux et inopérant à cause d'une description
ou d'un exposé insuffisant et parce que le breveté a revendiqué plus ou
moins qu'il n'avait droit de revendiquer à titre d'invention nouvelle.
(3) Que les motifs pour lesquels le brevet est jugé défectueux ou
inopérant sont les suivants: dans le brevet canadien original no
766,171, la méthode décrite et revendiquée relativement à la
production d'acier inoxydable ELC comprenait l'étape d'introduction
simultanée de scories de fer et d'un alliage réducteur de fer et de
silicium dans une poche de coulée. L'alliage réducteur a été décrit
et revendiqué comme étant introduit dans les scories à l'état pulvéru-
lent. Cependant, l'exposé sur l'état de l'alliage réducteur n'aurait
pas dû être si limité et aurait dû inclure une description de l'in-
troduction de l'alliage réducteur à l'état liquide et les revendications
relatives.
(4) Que l'erreur a été commise par inadvertance, accident ou méprise,
sans intention de frauder ou de tromper, de la façon suivante: L'in-
venteur de l'invention en question, William Bleloch, était à l'emploi
du demandeur comme ingénieur et métallurgiste-conseil. Le demandeur
donna les instructions à ses agents de brevets en Afrique du Sud de
rédiger une demande de brevet concernant l'invention qui nous occupe.
Les agents de brevets eurent des conversations avec l'inventeur et, sur
la foie des renseignements obtenus, des demandes de brevet provisoires
furent déposées en République d'Afrique du Sud pour couvrir l'invention.
Au cours des discussions préliminaires, la question relative aux diverses
formes utiles que l'alliage de fer et de silicium pouvait prendre n'a
pas été étudiée. D'autres échanges eurent lieu entre les agents de
brevets et d'autres employés du demandeur qui étaient au courant de
l'invention, pour s'entendre sur la forme que devait prendre le mémoire
pour dépôt en République d'Afrique du Sud et ailleurs. Au cours de
ces échanges, il a été décidé que l'alliage réducteur devrait être décrit
comme étant dans un état pulvérulent au moment d'être ajouté à la poche
de coulée. La possibilité d'ajouter l'alliage réducteur à l'état liquide,
n'a pas été étudiée. L'inventeur n'a pas pris part à ces échanges parce
qu'il s'occupait d'autres travaux de recherche. Le mémoire complet
déposé au Canada et qui a donné lieu au brevet no 766,171 a été fondé
sur ces derniers renseignements. Le demandeur ne s'est rendu compte
de la limitation de forme de l'alliage réducteur qu'après le dépôt du
mémoire complet au Canada. L'inventeur savait que l'alliage réducteur
pouvait être ajouté à la poche de coulée à l'état liquide et, en fait,
il avait effectué des essais dans ce sens bien avant le dépôt du mémoire
complet au Canada. L'inventeur a avisé les agents de brevets de ce fait
et ces derniers ont immédiatement rédigé une demande de brevet additif
pour l'inclusion d'un réducteur liquide et l'ont déposée au
Bureau des brevets de la République d'Afrique du Sud. Les agents
de brevets ont cru, à tort, qu'une telle demande pour un brevet
additif pourrait servir ultérieurement de base à la protection
dans les pays conventionnels, comme le Canada. Ce n'est qu'au
moment où le brevet canadien no 766,171 a été délivré que les
agents de brevets ont découvert que cette présomption était fausse.
(5) Que la connaissance des faits nouveaux cités dans la divulgation
modifiée, et à la lumière desquels les nouvelles revendications ont
été formulées, a été obtenue par votre pétitionnaire aux environs
des mois d'avril et de mai 1967, de la façon suivante: La demande
britannique correspondante no 12719/64 faisait l'objet d'une
procédure d'opposition alors que l'inventeur communiquait avec les
agents de brevets au sujet de l'invention en question. C'est à ce
moment que l'inventeur a informé les agents de brevets que l'alliage
réducteur pouvait être ajouté à l'état liquide. Votre pétitionnaire
a été avisé de ce fait par les agents de brevets et i1 a immédiatement
prié les agents de brevets de rédiger des demandes de brevets
d'addition pour inclure l'utilisation d'un réducteur liquide. Cette
demande a été déposée au Bureau des brevets de l'Afrique du Sud, le
9 mai 1967. Les agents de brevets n'ont pas su, jusqu'au mois de
mai 1968 environ, que la demande sud-africaine d'un brevet d'addition
ne pouvait servir de base à la protection au Canada.
Dans sa décision du 24 mars 1970, l'examinateur a déclaré que le demandeur
n'avait pas donné de motif suffisant pour l'obtention d'un brevet de redélivrance
et en outre qu'une matière nouvelle avait été ajoutée à la demande. Dans sa
réponse du 25 novembre 1969, le demandeur a déclaré:
Nous voulons toutefois souligner qu'il ne peut y avoir
invention dans l'utilisation d'un réducteur liquide alors
que l'efficacité d'un réducteur en poudre a été revendiquée.
N'importe lequel des deux réducteurs est évident par
rapport à l'autre et tout homme du métier est immédiatement
conscient de ce fait. Il est donc respectueusement soutenu
que l'addition d'un réducteur à l'état liquide fait partie
de la même invention et ne représente pas une invention
nouvelle.
Dans la décision finale du 29 juin 1970, l'examinateur a déclaré:
La redélivrance n'est pas autorisée dans le but d'ajouter
une matière nouvelle connue celle qui a été incluse aux
lignes 4 à 21 de la page cinq, et dans les revendications
de la demande de redélivrance. Une matière de cette
nature ne peut être ajoutée à une demande que sous forme
d'un exposé supplémentaire; mais aucune introduction
d'exposé supplémentaire n'est`autorisée après acceptation
officielle de la demande.
Il n'y a aucune indication dans les échanges mentionnés
ci-dessus que le demandeur avait l'intention de revendiquer
dans le brevet original ce qu'il revendique dans la
demande de redélivrance. Par conséquent, le brevet canadien
no 766,171 n'est pas jugé défectueux ou inopérant parce que
le breveté a revendiqué moins qu'il n'avait droit de revendi-
quer à titre d'invention nouvelle, par inadvertance, accident
ou méprise, et la demande de redélivrance est rejetée.
Dans sa lettre du 17 septembre 1970, le requérant fait valoir les arguments
suivants pour obtenir une révision par le Commissaire des brevets:
Le demandeur déclare que la demande de redélivrance ne
donne pas lieu à objection pour les motifs mentionnés par
l'examinateur et, pour étayer cette déclaration, il présente
une autre déclaration sous serment signée par l'inventeur,
le Dr. William Bleloch.
L'examinateur estime que l'énoncé selon lequel le
réducteur peut être ajouté à l'état liquide représente
l'addition d'un nouvel objet d'invention. Cependant, le
demandeur affirme respectueusement qu'à la lecture de
l'énoncé de la page 4, mentionné ci-dessus, il est
raisonnable de décuire que le réducteur peut aussi être
ajouté à l'état liquide. Au paragraphe 8 de la déclara-
tion sous serment du Dr. Bleloch dont il a été question
ici, il est dit:
Je suis persuadé qu'il est parfaitement clair pour un
métallurgiste, compétent dans la technique ayant trait
à l'invention, que les réducteurs à l'état pulvérulent
et les réducteurs à l'état liquide sont interchangeables
mais que, dans le cas de ces derniers, il faudra contrôler
les conditions d'exploitation d'un peu plus près.
Je crois en outre, qu'à la lecture de la divulgation sur
l'utilisation de réducteurs à l'état pulvérulent dans le
procédé d'invention, tout métallurgiste compétent se
rendrait compte qu'un réducteur liquide pourrait aussi
être utilisé dans le procéd.
La raison pour laquelle le réducteur à l'état pulvérulent,
donc solide, est utilisé est qu'il est plus facile à
manipuler et à contrôler, et par conséquent plus économique
dans cet état qu'à l'état liquide.
Il est donc clair que l'équivalence des réducteurs à
l'état pulvérulent et des réducteurs à l'état liquide
est bien connue dans la technique et un métallurgiste
qui sait qu'un réducteur peut être ajouté à l'état solide,
saurait qu'un réducteur peut aussi être ajouté à l'état
liquide. En fait, un réducteur à l'état solide est plus
facile à contrôler qu'un réducteur à l'état liquide et,
par conséquent, tous les essais effectués avant la date
de dépôt l'ont naturellement été avec des réducteurs à
l'état pulvérulent. Cela est dû au fait que la réaction
est intrinsèquement exothermique. Un métallurgiste
compétent sait qu'un réducteur à l'état liquide constitue
une substitution évidente à un réducteur à l'état solide,
mais que la première formule exige un meilleur contrôle
des conditions d'exploitation.
Si la demande qui a donné lieu au brevet original était
encore en instance, il est déclaré qu'elle pourrait être
modifiée pour inclure l'énoncé selon lequel le réducteur
pourrait être ajouté à l'état liquide. L'article 52 du
Règlement régissant les brevets n'interdirait pas une telle
addition et il ne serait pas nécessaire de présenter un
exposé supplémentaire. De la même façon, il est déclaré
que la présente pétition n'a pas pour objet d'ajouter un
nouvel objet d'invention au brevet original.
J'ai étudié les motifs du rejet exposés par l'examinateur ainsi que
tous les arguments présentés par le demandeur, et je suis convaincu que le rejet
n'est pas bien fondé.
Je constate que je ne puis faire abstraction de la déclaration sous
serment de l'inventeur à l'appui de la pétition, dans laquelle il déclare:
J'ai pris connaissance de la pétition de redélivrance qui a
été déposée au nom de Rand Mines Limited.
J'ai une maîtrise en sciences (Rand) et un doctorat (Londres)
en génie chimique et je suis membre du South African
Institute of Mechanical Engineers, fellow du Royal Institute
of Chemistry, Londres et membre depuis 1932 du Iron and
Steel Instituts of London.
Je ne me suis jamais rendu compte, jusque vers le mois
d'avril 1967, que ce brevet ou d'autres brevets correspondants
dans divers autres pays étaient limites au fait que la
réaction ne s'effectuait qu'avec le réducteur à l'état
pulvérulent.
Cette limitation a été portée à mon attention par l'agent
de brevets de Rand Mines Limited lorsqu'on m'a consulté
au cours des. procédures d'opposition, lors de l'instruction
de la demande britannique correspondante.
Je n'ai pas été consulté sur la forme finale du mémoire
pour le brevet no 766,171.
J'avais l'intention d'inclure dans l'invention tant
l'utilisation d'un réducteur liquide que celle d'un
réducteur solide, étant donné que les deux réducteurs
peuvent être utilisés commercialement par des hommes
compétents dans la réduction de minérais en métaux.
Je suis persuadé qu'il est parfaitement clair pour des
métallurgistes, compétents dans la technique concernant
l'invention, que les réducteurs à l'état solide et les
réducteurs à l'état liquide sont interchangeables mais
que ces derniers exigent un peu plus de contrôle dans les
conditions d'exploitation. En outre, je suis convaincu
qu'à la lecture de la divulgation sur l'utilisation de
réducteurs à l'état pulvérulent dans le procédé d'invention,
tout métallurgiste se rendrait compte qu'un réducteur li-
quide pourrait aussi être utilisé dans le procédé.
La raison pour laquelle le réducteur à l'état pulvérulent
donc solide, est solide est qu'il est plus facile à
manipuler et à contrôler, et par conséquent plus économique
dans cet état qu'à l'état liquide.
L'examinateur soutient que le demandeur ajoute un nouvel objet d'invention
à la divulgation lorsqu'il déclare: "Alternativement, l'alliage réducteur de fer et
de silicium peut être introduit dans la poche de coulée à l'état liquide. Cependant,
l'utilisation d'un réducteur à l'état solide est préférable, étant donné que c'est
généralement la façon la plus économique..." Je suis à peu près sûr que, pour un
homme du métier, à qui la divulgation s'adresse, et au vu de la déclaration sous
serment de l'inventeur, cela ne serait pas considéré comme l'addition d'un nouvel
objet d'invention.
Une recherche sur la technique antérieure dans le brevet américain no 3,074,793,
délivré au nom de A.M. Kuhlmann le 22 janvier 1963, classe au dossier du brevet
canadien dont la présente pétition demande la redélivrance, divulgue ce qui suit:
"L'agent réducteur de silicium peut être du silicium
élémentaire ou des alliages de silicium comme le
ferrosilicium. Cependant, le silico-manganèse s'adapte
particulièrement bien à ce procédé.
Au moment d'entreprendre la deuxième étape, l'agent
réducteur de silicium peut être ajouté au liquide dans
la poche de coulée à l'état liquide, sou semi-
liquide. Les divers réducteurs et additifs peuvent être
introduits dans la poche de coulée simultanément ou
successivement. Le mélange des réducteurs peut être
versé d'une poche dans une autre afin de provoquer
une réaction complète".
Par conséquent, je considère que l'addition de ferrosilicium sous forme
solide ou liquide est une technique bien connue.
L'examinateur a aussi déclaré que la demande doit être rejetée, "étant donne
qu'il n'y a aucune preuve que le demandeur avait l'intention de revendiquer dans le
brevet original ce qu'il revendique dans la demande de redélivrance". Toutefois,
je suis d'avis qu'une fois de plus, il faut tenir compte de la déclaration sous
serment et je crois que la présente invention de l'inventeur n'était pas restreinte
à la seule utilisation du réducteur à l'état pulvérulent, et qu'aucune nouvelle
invention n'est ajoutée en modifiant l'exposé pour inclure l'utilisation d'un réduc-
teur liquide.
Bien qu'il ne m'imcombe pas dans ce cas de tirer des conclusions sur la
brevetabilité de l'objet d'invention des revendications, ces dernières doivent être
examinées très attentivement à ce sujet en raison de la matière citée dans la
technique antérieure du brevet américain, no 3,074,793.
Dans ces conditions, je ne vois par conséquent aucun motif de rejeter la
pétition de redélivrance et recommande que la décision de l'examinateur de rejeter
la demande de redélivrance soit réformée pour les motifs avancés.
Le président de la
Commission d'appel des brevets
R.-E. Thomas
Je souscris aux conclusions de la Commission d'appel des brevets, fais
donc abstration de la décision finale, et renvoie la demande à l'examinateur pour
complément d'instruction.
Telle est ma décision,
Le Commissaire des brevets
A.M. Laidlaw
Fait à Ottawa (Ontario)
ce 26e jour de février 1971