DECISION DU COMMISSAIRE
RELATIVEMENT à une demande de révision, par le
Commissaire des brevets, de la décision finale
de l'examinateur fondée sur l'article 46 du
Règlement régissant les brevets
et
RELATIVEMENT à la demande de brevet no 908,951
déposée le 7 août 1964 par Margaret Treacy pour
une invention intitulée:
TEST DE GROSSESSE
Agents du requérant: MM.Gowling, MacTavish,
Osborne & Henderson, Ottawa (Ontario)
La présente décision a trait à une demande de révision, par le
Commissaire des brevets, de la décision finale de l'examinateur portant
refus des revendications nos 16, 17 et 18 de la demande no 908,951. La
demande a été formulée conformément à l'article 47(3) du Règlement régissant
les brevets (avant la modification par décret du conseil, C.P. 1970-728,
entrée en vigueur le 1er juin 1970).
Lors de l'instruction qui s'est terminée par la décision finale,
l'examinateur a rejeté ladite demande pour les raisons suivantes:
1) L'objet des revendications nos 16, 17 et 18 ne
constitue pas une matière brevetable aux termes de
l'article 2(d) de la Loi sur les brevets en tant
que test pour diagnostiquer une grossesse.
2) Une méthode analytique pour déterminer une grossesse
n'est, en aucun cas, associée au commerce ou à
l'industrie et est contraire au sens des termes
"exploitation à l'échelle commerciale" mentionnés dans
la Loi sur les brevets.
L'objet des revendications rejetées portant les nos 16, 17 et 18
concerne une méthode de détection de la HCG (gonadotrophine chorionique)
dans l'urine, en mélangeant l'antisérum HCG avec l'urine à étudier, puis
en mélangeant le réactif qui fait l'objet de l'invention avec le mélange
antisérum-ruine, en agitant ce mélange et en vérifiant s'il y a agglutination
des particules du réactif.
L'examinateur a déclaré dans sa décision du 17 novembre 1965:
"Les revendications nos 16, 17 et 18 sont rejetés
parce qu'elles portent sur des méthodes d'analyse
pour diagnostiquer une grossesse et qu'elles ne
sont pas d'un domaine donnant lieu à la
délivrance de brevets".
Dans une lettre en date du 6 mai 1966, le requérant a demandé
que le rejet soit reconsidéré, affirmant que les revendications nos
16, 17 et 18 étaient parfaitement conformes à l'article 2(d) de la Loi
sur les brevets et devaient faire l'objet de la procédure d'examen
établie.
Dans une lettre datée du 14 juin 1966, l'examinateur a encore
rejeté les revendications parce qu'elles portent sur des méthodes
d'analyse pour diagnostiquer une grossesse, soit un domaine qui ne peut
donner lieu à la délivrance de brevets aux termes de'l'article 2(d) de
la Loi sur les brevets, et a aussi ajouté qu'une méthode analytique
pour déterminer une grossesse n'est, en aucun cas, associée au commerce
ou à l'industrie.
Dans sa réponse écrite du 5 décembre 1966, le requérant a tenté
de réfuter l'objection en affirmant que les revendications nos 16, 17 et
18 sont du domaine de l'invention, comme le stipule l'article 2(d) de
la Loi sur les brevets. Il a défini le terme "réalisation" et déclaré
que les revendications nos 16, 17 et 18 répondaient à cette définition.
Il a aussi tenté de réfuter la deuxième partie du rejet de l'examinateur.
Le 28 février 1968, l'examinateur a rejeté les revendications nos
16, 17 et 18 dans une décision finale, en vertu de l'article 46 du Règlement
régissant les brevets, parce que leur objet n'est pas brevetable aux termes
de l'article 2(d) de la Loi sur les brevets, et qu'une méthode analytique pour
déterminer une grossesse n'est, en aucun cas, associée au commerce ou à
l'industrie et qu'elle est contraire au sens des termes "exploitation à
l'échelle commerciale" mentionnés dans 1a Loi sur les brevets. L'examinateur
a aussi indiqué que les méthodes d'élimination des insectes, de traitement
des liquides pour en éliminer les bactéries, etc. touchent le domaine de
l'économie, tandis que les renseignements sur la condition d'un être humain
sont le seul résultat de la méthode diagnostiqua revendiquée dans la demande
en question.
Dans une réponse en date du 23 mai l968, le requérant a demandé que
le rejet fasse l'objet d'une révision de la part du Commissaire des brevets.
Le requérant a affirmé que l'article 2(d) de la Loi sur les brevets ne
mentionne pas que, pour être brevetable, une invention doit pouvoir être
exploitée à l'échelle commerciale. Le requérant a fait référence à l'article
67(2)(a) de la Loi sur les brevets dont les termes impliquent que certaines
inventions ne peuvent être exploitées à l'échelle commerciale.
L'article 2(d) de la Loi sur les brevets se lit comme suit:
"invention" signifie toute réalisation, tout procédé,
toute machine, fabrication ou composition de matières,
ainsi qu'un perfectionnement quelconque de l'un des
susdits, présentant le caractère de la nouveauté et
de l'utilité".
A mon avis, les revendications nos 16, 17 et 18 définissent
une méthode utilisée dans un procédé de diagnostic pour déterminer
la présence ou l'absence d'une grossesse chez un être humain de sexe
féminin et la raison du rejet,à mon sens, est que l'examinateur
considère que la méthode n'entre pas dans le cadre des dispositions de
l'article 2(d) de la Loi sur les brevets. Quant à la deuxième partie-
de l'objection de l'examinateur, que l'agent du titulaire croit fondée
sur les termes de l'article 67(2)(a) de la Loi sur les brevets, elle ne
sera pas analysée en détail parce que je ne crois pas qu'elle constitue
un motif suffisant de rejet.
En se basant sur l'article 2(d) de la Loi sur les brevets, le
mandataire du requérant a soutenu à plusieurs reprises que la méthode
revendiquée présente le caractère de la nouveauté et de l'utilité, en
plus de celui de l'ingéniosité, et qu'elle est donc brevetable. Pour sa
part, le Bureau des brevets a toujours soutenu que tout ce qui est nouveau
et utile n'est pas nécessairement brevetable, même lorsqu'il y a ingéniosité
inventive et que les restrictions de l'article 28(3) ne s'appliquent pas.
Cette conception a récemment été confirmée par la décision de la Cour de
l'Echiquier en cause Lawson c/ le Commissaire des brevets, rendue par le juge
Cattanach le 17 avril 1970.
Dans la cause Lawson, le juge Cattanach a dit: "Je considère comme
un fait bien établi que toute réalisation et tout procédé de fabrication
nouveaux et utiles ne sont pas nécessairement couverts par l'article 2(d)
de la loi".
Le juge Cattanach a poursuivi en étudiant le terme "procédé de
fabrication", qui est employé dans les statuts an Angleterre, en
Australie et en Nouvelle-Zélande par rapport aux mots "réalisation,
procédé, machine, fabrication ou composition de matières" qui figurent
dans l'article 2(d) de la Loi sur les brevets, et a conclu que les deux
groupes de mots sont simplement deux façons différentes d'exprimer les
mêmes idées. Il a continué en exprimant l'opinion suivante:
"fabrication" est l'action de fabriquer quelque chose.
Il est donc impensable qu'un procédé de fabrication
ne donne pas un produit vendable. Un tel procédé doit
modifier le caractère ou l'état d'objets matériels.
Dans le cas présent, je ne vois pas comment les revendications nos 16,
17 et 18 peuvent être considérées comme définissant un procédé de fabrication.
La méthode en question consiste à traiter l'urine avec des réactifs, dans
des conditions spécifiques, et à comparer l'aspect du mélange qui en résulte
pour déterminer s'il y a ou non grossesse. Ainsi, le résultat n'est qu'une
simple détermination par observation visuelle de la présence ou de l'absence
de HCG dans l'urine à l'étude. A mon avis, cela ne constitue pas "un produit
vendable du procédé en question" comme l'entend le juge Cattanach dans la
citation ci-dessus.
Je déclare donc que la méthode faisant l'objet des revendications
nos 16, 17 et 18 ne constitue pas une invention aux termes de l'article
2(d) de la Loi sur les brevets.
Le président de la
Commission d'appel des brevets
R.E. Thomas
Je souscris aux conclusions de la Commission d'appel des brevets et
je confirme le rejet des revendications nos 16, 17 et 18 fait par
l'examinateur.
Telle est ma décision
Le commissaire des brevets
A. M. Laidlaw
Fait à Ottawa (Ontario)
ce 26e jour d'octobre 1970